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Prairies entrelacées: 6Espaces vivants et habitables : Les textiles et l’architecture des Prairies

Prairies entrelacées
6Espaces vivants et habitables : Les textiles et l’architecture des Prairies
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table of contents
  1. Front matter
    1. Half Title Page
    2. Art in Profile series
    3. Title Page
    4. Copyright Page
    5. Contents
    6. Message de la Ministre
    7. Remerciements
    8. Itinéraire de l’exposition
    9. 1 Introduction à Prairies entrelacées : Retrouver les « modernismes perdus »
  2. Section 1 : Recouvrer les histoires
    1. 2. Reculez – Il n’y a rien à voir – Circulez
    2. 3. Modernistes marginalisés : Coopératives et arts textiles autochtones en Saskatchewan, 1960-1972
    3. 4. Histoires métisses et travail artistique des femmes dans Margaret’s Rug de Margaret Pelletier Harrison
    4. 5. Le don du temps, le don de la liberté : Le tissage et les arts textiles au Banff Centre
    5. 6. Espaces vivants et habitables : Les textiles et l’architecture des Prairies
  3. Section 2 : Rencontres contextuelles
    1. 7. Exposition Prairies entrelacées : Rencontres, désirs et défis
    2. 8. Le tissage à l’horizon : Rencontres avec l’art textile dans les Prairies canadiennes
    3. 9. Les corps contextuels : Du berceau à la barricade
    4. 10. Six façons de découvrir Prairies entrelacées
  4. Section 3 : Élargir le cadre
    1. 11. Élargir le cadre du tissage
  5. Listes des œuvres
  6. Contributeurs

Photo : un grand tissage en forme de tronc d’arbre dans une galerie. Il est principalement marron avec une bande sombre au milieu.

Vue de l’exposition Prairies entrelacées : Tissage, modernismes et cadre élargi, 1960-2000, Nickle Galleries, 2022.

Katharine Dickerson, West Coast Tree Stump, c. 1972 (cat. 11)

6Espaces vivants et habitables : Les textiles et l’architecture des Prairies

par Susan Surette

Au fil des siècles, des architectes de renom, tels que Vitruvius, Gottfried Semper, Alfred Loos et Le Corbusier ont insisté sur l’alliance durable et incontestable entre les textiles et l’architecture. Semper a observé que les textiles et leurs procédés s’avéraient les premières manifestations de l’architecture : ils peuvent être des murs extérieurs, mais ils peuvent aussi recouvrir les murs en tant qu’habillage intérieur1. Au début du XXe siècle, Alfred Loos a réfléchi à la manière dont les tapis posés sur le sol ou accrochés au mur pouvaient aider un architecte à remplir son rôle, à savoir « créer un espace chaleureux et habitable », tout en notant que la deuxième tâche de l’architecte consistait à créer « un cadre structurel pour les installer à l’endroit approprié2 ». Qu’ils servent d’architecture ou qu’ils soient utilisés pour l’architecture, les textiles créent de la chaleur et un sens de sécurité3, et les œuvres présentées dans cette exposition démontrent cette relation intime. Le West Coast Tree Stump de Katharine Dickerson (cat. 11) est suffisamment grand pour que deux personnes puissent s’asseoir confortablement dans son espace clos, comme Dickerson l’a découvert lors de sa présentation à l’exposition By Hand organisée en 1974 par le World Crafts Council à Toronto4. Les tapis fabriqués au crochet à clapet Ta-hah-sheena (cat. 7, 15, 16, 17, 24, 33, 34, 54, 60 et 61) posés sur le sol ou suspendus au mur, œuvres produites par le collectif de la Sioux Handcraft Co-operative de la Première Nation de Standing Buffalo, sont parfaits pour conserver la chaleur en hiver. Comme l’indique le catalogue de leur exposition de 1988, « Ta-Hah-Sheena [est] un mot sioux désignant des peaux d’animaux décorées, portées comme capes cérémonielles lors de rassemblements religieux et sociaux. Lorsqu’elles n’étaient pas utilisées, les capes servaient de tapisseries pour embellir les murs intérieurs du tipi et procurer une isolation supplémentaire contre le froid de l’hiver saskatchewanais… [Le mot] Ta-Hah-Sheena a permis de faire le lien entre les tapisseries modernes de la coopérative et une forme traditionnelle de tapisserie sioux5 ». Avec leurs motifs géométriques, ces tapis fabriqués au crochet à clapet ont su égayer des espaces architecturaux modernistes tels que la bibliothèque Dr. John Archer de Regina (p. 85)6. La féerie d’un tapis volant planant dans le ciel nocturne au-dessus du paysage albertain a été introduite dans le centre de recherche Esso de l’Université de Calgary grâce à Prairie Carpet, la tapisserie tissée que Murray Gibson créa en 1990 (cat. 14). Tout au long du XXe siècle, les architectes, designers et artistes textiles, y compris ceux des Prairies, se sont beaucoup intéressés aux textiles en tant qu’éléments essentiels des espaces vivants et habitables.

Les textiles architecturaux modifient la manière dont nous interagissons physiquement et émotionnellement avec nos espaces et, ultimement, les uns avec les autres7; ils nous touchent et nous accompagnent à des moments et dans des lieux particuliers. Comme l’a affirmé l’historienne canadienne de l’artisanat Sandra Alfoldy, l’architecture et les arts connexes, qui incluent les arts textiles, sont liés par les matériaux, l’échelle et la forme, l’ornement et l’identité8. Favorisant notre prise de conscience des espaces physiques et sociaux et la manière de les appréhender, les tapis et les pièces murales nous guident à travers les entrées et les passages, le long des murs, sur les sols et dans les escaliers. Les textiles sur les murs, devant les fenêtres et sous nos pieds décorent les espaces d’un bâtiment, mais ils servent tout autant de marqueurs pour nos déplacements dans ces intérieurs, alors que nous nous rendons compte, consciemment ou non, de certains détails tels que des variations de textures, des éléments de décoration petits et grands, des jeux de couleurs, et des fibres mates et réfléchissantes9. Mettant l’accent à la fois sur les surfaces et les vides, ces structures entrelacées nous lient culturellement et socialement par le biais de langages visuels et matériels communs, nous offrant confort, sécurité et plaisir.

Au milieu du XXe siècle, il parut évident que les formes de béton monumentales et austères de l’architecture moderne ne permettaient pas d’offrir une expérience chaleureuse axée sur les personnes, alors que les architectes modernistes étaient parfaitement conscients que la solution résidait dans l’intégration des arts décoratifs, y compris les textiles. À l’époque, Henry H. Reed Jr. avait remarqué que le concept de monumentalité en architecture était une « invention récente » pour souligner « la grandeur, la majesté [et] la magnificence d’un bâtiment ». De plus, selon lui, « ce n’est qu’avec l’ornement que nous pouvons obtenir un sens de l’échelle, ce n’est que sur l’ornement que l’œil peut se reposer, ce n’est que par l’ornement que l’œil peut mesurer10 ». La réinsertion de l’échelle humaine dans ces structures monumentales nécessitait des ornements, mais des ornements suffisamment imposants, d’une part, pour qu’ils ne disparaissent pas dans les vastes espaces, et significatifs, d’autre part, pour les personnes qui s’y trouvent. Des questions surgirent alors : comment atteindre cet objectif, comment réaliser de telles commandes et comment et quand faire appel aux artistes? Peter Hemingway, éminent architecte d’Edmonton, a défendu l’intégration de l’art dans les bâtiments, fondamentale à son sens pour la création réussie d’espaces architecturaux dynamiques et chaleureux, estimant que cela nécessitait l’implication de l’artiste dans le projet dès le départ. Il a précisé que « l’œuvre d’art et l’espace doivent être développés ensemble11 ». Dans les provinces des Prairies, les tissages se sont révélés essentiels pour agrémenter la monumentalité architecturale en la célébrant et en y ménageant une place pour les gens. Le présent essai examine comment les tisserands et tisserandes des Prairies ont relevé les nombreux défis liés à la création d’œuvres destinées à des espaces architecturaux modernes, tout en collaborant avec une communauté internationale d’improvisateurs et d’innovateurs en matière de technique et d’esthétique.

De nombreux facteurs convergents ont contribué à la popularité des œuvres textiles de grande taille au milieu du XXe siècle. L’inauguration en 1962 de la biennale internationale de la tapisserie de Lausanne, sous l’impulsion de Jean Lurçat, à qui l’on doit le renouveau de la tapisserie européenne au XXe siècle, s’est avéré un événement majeur. Ses propres créations regorgeant d’éclat, telles que Comme par miracle (1945), ont été tissées dans des ateliers de tapisserie qui, auparavant, produisaient essentiellement des reproductions de peintures romantiques et classiques. Les biennales ont mis l’accent sur la monumentalité et l’originalité des motifs des tapisseries contemporaines12, que l’on a qualifié de pièces murales ou de murs, ou même de « murales nomades », comme l’a caractérisé Le Corbusier, en raison de leur portabilité13. Tout au long de leur existence, les biennales ont présenté des pièces murales tissées aux textures et aux couleurs somptueuses, ainsi que des structures entrelacées, sur et hors métier, qui se détachaient des surfaces des murs, glissaient sur les sols ou étaient suspendues au plafond. Certaines étaient clairement architecturales, car les gens pouvaient y entrer et y circuler. Ces expositions, ainsi que d’autres entreprises similaires organisées dans le monde entier, notamment la triennale internationale polonaise de la tapisserie tenue au Musée central des textiles de Łódź, ont lancé le mouvement artistique des arts textiles qui allait séduire les artistes textiles des Prairies. Avant d’émigrer au Canada, Eva Heller avait étudié le tissage à l’Académie des beaux-arts de Łódź, où elle rencontra des participantes assidues de Lausanne, telles que la « grande vedette » expérimentale Magdalena Abakanowicz et la célèbre Jolanta Owidzka14. Heller a souligné l’importance du Musée central des textiles de Łódź comme le « Louvre » du tisserand, un lieu d’étude et d’inspiration15. En 1973, une autre tisserande des Prairies, Margreet van Walsem, s’est rendue à la sixième biennale de Lausanne où les tissages exposés l’ont « amenée à considérer le moyen d’expression comme une forme sculpturale16 ». Avant même la visite de van Walsem, les premières biennales inclurent des tapisseries de la tisserande québécoise Mariette Rousseau-Vermette, qui enseigna par la suite les arts textiles au Banff Centre for Arts and Creativity dans les années 1970, pour en diriger l’atelier en 198217.

Rousseau-Vermette savait ce qu’impliquait la tapisserie monumentale grâce à sa participation à Lausanne et à son travail avec des architectes, avec lesquels elle a appris à négocier « le processus plus formel et hiérarchique de la réalisation de commandes architecturales18 », un savoir qu’elle a partagé avec ses élèves19. Passionnée par le fait que ses « tapisseries contribuent à l’architecture d’aujourd’hui », Rousseau-Vermette a travaillé en étroite collaboration avec des architectes tels qu’Arthur Erickson, pour lequel elle a créé la tapisserie à deux panneaux Sous-bois au printemps (vers 1968) pour son édifice brutaliste MacMillan Bloedel de 1968 à Vancouver20. L’historienne Anne Newlands décrit comment ces tapisseries abstraites ont permis d’intégrer l’extérieur à l’intérieur : « installées sur les murs en béton d’un couloir du rez-de-chaussée, elles évoquaient la lumière changeante de la forêt au printemps et, avec leur verticalité frappante d’une hauteur de quatre mètres environ, faisaient aussi écho à la grille élancée en béton de l’extérieur de l’édifice21 ». Le sujet de la tapisserie, les sous-bois printaniers, qui n’est clairement exprimé que par le titre, était une véritable ode aux forêts anciennes dont dépendait cette importante société forestière de la côte ouest22. Suivant les exemples régionaux et internationaux, d’autres tisserands expérimentaux ont inséré l’extérieur à l’intérieur, comme Carol Little, qui a tissé la vibrante tapisserie rouge tridimensionnelle Furrow (cat. 29) alors qu’elle travaillait au seul studio de tissage commercial de Calgary, Douglas Motter and Associates, et Gayle Platz, qui a accroché à une branche sa très texturée Large Tapestry Weave de 1974 (cat. 43). Katharine Dickerson, professeure à l’Alberta College of Art and Design de 1977 à 2007, a réalisé une première commande d’art public, West Coast Forest, 1974-1975, qui s’inspirait de la « notion de “ croissance ” de “ la flore luxuriante ” » entourant sa ferme de la côte ouest. Ce projet monumental hautement texturé, invitant au toucher et immersif, encadrait l’escalier de l’édifice Douglas du gouvernement de la Colombie-Britannique à Victoria, avant que le gouvernement le retire, le jugeant encombrant23. À l’inverse, projeter l’intérieur à l’extérieur était l’un des objectifs de l’œuvre de Kaija Sanelma Harris, Sun Ascending (cat. 21), aux couleurs vives, à l’origine installée près d’une grande fenêtre dans le foyer de la tour de la Banque TD construite par Mies van der Rohe en 1984. Elle était parfaitement consciente que sa tapisserie serait très visible depuis la place – en particulier la nuit lorsqu’elle serait illuminée – mais aussi que « selon le temps, la saison et l’heure de la journée, ces murs peuvent être partiellement obscurcis de l’extérieur par des reflets, des ombres ou des réverbérations sur le verre24 ». Harris a également pris soin d’intégrer la perspective extérieure de la tour de la banque en réduisant les dimensions verticales des panneaux et en modulant leurs couleurs pour mettre en valeur la hauteur vertigineuse du bâtiment25. Comme les tapisseries médiévales, ces nouveaux arts textiles étaient évalués d’un point de vue architectural en fonction de leur « cohérence avec l’ordre des espaces dans lesquels ils étaient suspendus » – des espaces qui, à l’instar de leurs prédécesseurs médiévaux, étaient spacieux et invitants26.

Photo : une femme est assise dans un escalier et regarde les murs bordés d’arbres et de feuillages en 3D qui se courbent au-dessus d’elle.

Katharine Dickerson, assise au centre de son œuvre West Coast Forest, installée dans le Douglas Building à Victoria, en Colombie-Britannique. Photographie de Rob D’Estrube, Artswest Magazine 2, no 5 (septembre 1977) : 24. Avec la permission de Katharine Dickerson.

Photo : un long couloir à l’intérieur d’un mur de verre. La lumière éclaire quatre personnes assises sur un banc sous une œuvre d’art composée de multiples panneaux verticaux.

Kaija Sanelma Harris, Sun Ascending, vers 1985. Œuvre installée dans le foyer de la tour de la Banque TD à Toronto, en Ontario. Photo de Robert Stainforth / image de photothèque Alamy.

Harris, comme d’autres artistes textiles des Prairies, a été inspirée par l’exposition phare du Museum of Modern Art de New-York en 1969, Wall Hangings, qui « présentait au public américain des musées la première étude internationale d’œuvres abstraites en fibres de grande taille, tissées sur et hors métier27 ». Cette exposition, qui a fait l’objet d’une vaste tournée en Amérique du Nord, a encouragé les créateurs à se lancer dans l’utilisation créative des fibres à grande échelle et à expérimenter des techniques et une variété de matériaux. Deux publications américaines majeures de la curatrice Milfred Constantine et du designer textile Jack Lenor Larsen, un catalogue de l’exposition et une publication s’y rapportant parue dix ans plus tard, ont présenté des illustrations pleine page d’œuvres contemporaines monumentales en textile et des analyses fines, accroissant ainsi l’intérêt pour ces pièces murales et leur acceptation comme un nouveau type d’art28. Le magazine américain Fiberarts Magazine, publié pour la première fois en 1976, devint une ressource esthétique, technique et commerciale pour de nombreux tisserands, car il diffusait les approches novatrices émergentes en matière de textiles. Les techniques et les matériaux montrés dans ces expositions et publications trouvent leur expression dans deux œuvres texturées et évocatrices des Prairies réalisées en 1974 sur des métiers à tisser, Untitled Wall Hanging de Hazel Schwass (cat. 51) et Large Tapestry Weave de Gayle Platz (cat. 43). Celles-ci illustrent la manière dont les tisserands ont incorporé avec enthousiasme dans leurs structures tissées des objets trouvés, tels que des branches, des os et des perles, ainsi que de la laine non filée. L’œuvre de Susan Barton-Tait, Northern Lights, 1978, réalisée pour les bureaux de Manuvie à Winnipeg, renvoie à la désignation de la tapisserie murale nomade de Le Corbusier, car elle intégrait les techniques d’entrelacement du tissage et du tricot, de sorte qu’elle jaillissait du mur, tout en suscitant astucieusement un sentiment d’enfermement total grâce à ses reflets sur les surfaces des murs et du plafond du hall d’ascenseur, recouverts de carreaux de miroir. De même, avec leurs murs en forme d’enceinte, West Coast Tree Stump, 1972 (cat. 11) et la vaste Westcoast Forest (1974) enveloppent la personne qui les traverse. L’un ou l’une des élèves de Dickerson a remarqué qu’ « elle nous a téléportés dans ces étonnantes installations architecturales, transformant les pièces en lieux magiques entourés de laine29 », rappelant ainsi le fait que la monumentalité décrit non seulement la taille physique, mais aussi l’effet émotionnel d’une œuvre architecturale et de l’ornement qui la complète30. Ce type d’art textile a donné lieu à des rencontres énergisantes et passionnantes.

Photo : une œuvre d’art en 3d texturé et monté sur un mur disposant d’une rangée de lumières à droite. L’œuvre d’art est jaune et orange, et présente des transitions vers le vert, le bleu et le violet. Elle a des formes de trompettes qui pendent, des sections rondes avec des trous et une forme amorphe.

Susan Barton-Tait, Northern Lights, 1978, crocheté /feutré; laine. Œuvre installée dans l’édifice Manuvie à Winnipeg, au Manitoba. Avec la permission de Susan Barton-Tait.

La production à une si grande échelle pouvait être intimidante pour les tisserands du Studio Craft Movement (mouvement américain de l’artisanat en atelier), car ils se heurtaient à plusieurs contraintes liées à l’espace de leurs ateliers, à la taille des métiers à tisser, aux outils, aux matériaux, à la main-d’œuvre, et même au savoir-faire pour interpréter les dessins architecturaux et les spécifications des bâtiments. Certains architectes et clients mettaient en doute « le professionnalisme des artisans, affirmant qu’ils ne savaient pas calculer les coûts de manière efficace, qu’ils ne savaient pas travailler sur la base d’un cahier des charges, qu’ils ne savaient pas réaliser des dessins clairs et détaillés, qu’ils ne savaient pas gérer des contrats compliqués et importants, qu’ils ne savaient pas bien collaborer avec les différents groupes de personnes inévitablement impliqués dans les projets publics et qu’ils n’arrivaient pas à respecter les délais31 ». L’architecte canadien Hazen Sise était convaincu que l’architecte « doit avoir le dernier mot… [car] le processus de conception architecturale exige ce contrôle32 ». On s’est plaint que de nombreux artistes ayant reçu des commandes d’art public monumental étaient « étonnamment ignorants des déterminants esthétiques de l’architecture et de la base théorique des formes architecturales » qui devraient guider leurs contributions33. Les artistes textiles ont souvent dû acquérir de nouvelles compétences, telles que lire les plans architecturaux et les spécifications des bâtiments, connaître les variations de luminosité, se renseigner sur les teintures résistant à la lumière et sur la longévité des fibres, et apprendre à utiliser des produits ignifuges. Quelques-uns connaissaient déjà ces enjeux par le biais de leurs établissements d’enseignement ou de connaissances personnelles, comme Dickerson qui avait l’avantage d’avoir une mère ayant étudié l’architecture34. Anita Aarons, défenseure des arts connexes, reconnaissait les défis auxquels étaient confrontés les artistes et les relations potentiellement tendues se développant au cours du processus de commande. Elle travailla sans relâche tout au long des années 1960, offrant une formation dans ses chroniques du journal RAIC Architecture Canada et dans son Allied Arts Catalogue, vol. 1 et 2. Aarons s’est déplacée partout au Canada, connaissait l’expertise des artistes textiles des Prairies et de leurs projets, et proposa aux clients, architectes et artisans des lignes directrices en matière d’esthétique, d’opération et de production.

Les projets textiles qui alliaient avec virtuosité l’inspiration, les compétences techniques et l’innovation esthétique ne furent réalisables qu’avec l’engagement des bailleurs de fonds, des promoteurs et des architectes à en fournir les moyens. Dans les établissements d’enseignement postsecondaire, de nombreux programmes d’art textile ont instauré des cours obligatoires qui permettaient aux étudiants d’acquérir des compétences en matière de conception et de fabrication, et de se familiariser avec les procédures de commande35, et les programmes gouvernementaux ont joué un rôle déterminant dans la commande d’œuvres, souvent auprès de ces étudiants. Entre 1964 et 1978, le programme du gouvernement fédéral visant à consacrer un pour cent du coût d’un projet de construction d’un bâtiment fédéral à l’achat d’œuvres d’art pour ce même bâtiment36 a facilité l’intégration des tapisseries dans les espaces architecturaux, et de nombreuses provinces et sociétés ont adopté, officiellement ou non, des programmes similaires. C’est dans cet esprit qu’ont été acquis Northern Lights (1977) de Dickerson, pour le Cottage Hospital de Watson Lake, au Yukon37, et Ta-hah-sheena pour la bibliothèque Dr. John Archer de l’Université de Regina (cat. 60). La popularité de telles commandes, deux décennies après la plaidoirie d’Aarons en leur faveur, a incité Culture Alberta à faire appel à Dickerson, professeure au Collège des arts de l’Alberta, pour produire une plaquette concise et informative destinée à aider les artistes à franchir les étapes complexes du processus de commande, intitulée Commissioning Visual Art : A Guide for Artists and Patrons (La commande d’art visuel : un guide pour les artistes et les clients)38.

Photo noir et blanc : entrées arrondies et largement ouvertes devant des murs blancs sur lesquels sont accrochés des tapis, entre des panneaux lumineux blancs.

Tapestry (Ta-hah-sheena) (cat. 60) de Marge Yuzicappi (à gauche), vers 1970 et Tapestry (Ta-hah-sheena) de Bernice Runns (à droite), vers 1971. Œuvres installées à la bibliothèque Dr John Archer Library, conception de Minoru Yamaski. Avec la permission de Archives and Special Collections de l’Université de Regina, 90-70, diapositive 109.

Photo : six panneaux constituant une image de forme fondée en gris, blanc, noir et un peu de jaune.

Margreet van Walsem, Palaver, 1973, tapisserie; laine, teintures naturelles, 250 X 260. SK Arts Permanent Collection, C72.11. Photo offerte gracieusement par la succession de Margreet van Walsem.

Les commandes pour de tels espaces pouvaient être passées de manière variée : par les contacts directs entre les tisserands et les architectes, les décorateurs d’intérieur, les consultants artistiques agissant à titre d’intermédiaires experts, les institutions culturelles qui servaient de médiateurs entre le client, l’architecte et l’artiste, ou simplement par contacts personnels. Parfois, en marge d’une sélection par comité, une invitation était envoyée directement à un artiste spécialement choisi; en d’autres occasions, un groupe restreint d’artistes étaient contactés pour être ensuite évalués par un comité; une troisième approche consistait à lancer un appel public, souvent diffusé par les conseils d’artisanat ou les conseils des arts provinciaux et fédéraux. Dans tous les cas, les artistes participants devaient fournir des dessins initiaux, des maquettes, des échantillons de matériaux, des justifications de conception et un calendrier39. Pour Sun Ascending (cat. 21), Harris avait d’abord été contactée par la consultante en design Eve Baxter, qui avait déjà réduit le nombre potentiel d’artistes, mais elle fut ensuite soumise au processus de sélection d’un comité composé de représentants de sociétés et de cabinets d’architectes. Baxter a remarqué que les consultants devaient être familiers avec « ce qui se passait sur le terrain et qui faisait quoi40 ». Pour sa part, Barton-Tait obtint son contrat pour Northern Lights par le biais d’un appel public général41. Pour sa première commande de tapisserie, Passages (1985), Murray Gibson a été directement mis en relation avec son client par un consultant; Brenda Campbell a bénéficié du soutien de la consultante en art Carolyn Tavender, qui la gardait régulièrement en contact à la fin des années 1960 et au cours des années 1970 pour des pièces murales destinées à des bureaux de sociétés42. Tavender devint par la suite conseillère artistique pour la décoration de la Maison de l’Alberta à Londres, en Angleterre43, espace où plusieurs tisserands de l’Alberta, dont Campbell, ont pu exposer44. Pirkko Karvonen se souvient que son tissage aux tons de terre Westward, produit vers 1980 pour la salle de conférence de Westcan Bulk Transport à Edmonton, a été la première de ses nombreuses commandes par le biais d’un intermédiaire artistique. Agissant comme consultant pour l’ameublement des bureaux du gouvernement provincial et pour les commandes et achats d’art public, le Conseil des arts de la Saskatchewan a facilité l’acquisition de plusieurs tapisseries monumentales, dont les trois tapis muraux Ta-hah-sheena de la bibliothèque Dr. John Archer45, les Whites tissés de Margreet van Walsem (1975), ainsi que son immense tapisserie à six panneaux Palaver (1972) installée initialement dans le Centre des arts modernistes de la Saskatchewan (1970) – le motif étant né de la préoccupation de l’artiste pour la « justice/injustice » politique et morale qui caractérisait les pratiques du gouvernement de la Saskatchewan46. Plutôt que de passer par un intermédiaire, pratique qu’elle avait jugé coûteuse, Elaine Rounds a préféré, elle, recevoir ses commandes pour des espaces professionnels par contact personnel, soit directement du client, comme l’œuvre tissée à cinq panneaux Prairie Scene (1992) réalisée pour le bureau du Dr Jay Winburn à Brandon, au Manitoba47. Comme l’indique une publication britannique de 1984 consacrée à la promotion de l’art public : « La première tâche de l’institution n’est pas de choisir l’art, mais la personne ou les personnes qui vont faire le choix… celui ou celle qui fait le choix doit en savoir beaucoup sur l’[art] actuel et doit éviter non seulement les modes, mais aussi les intérêts particuliers du monde de l’art48 ».

Photo : un lit empilé de coussins verts et gris entre deux tables de nuit noires avec des lampes vertes. Au-dessus du lit est suspendue une longue œuvre d’art. Elle est principalement en noir et blanc avec des vagues de vert-jaune-rouge-orange.

Murray Gibson, Passages, 1985, laine, soie et rayonne, 90 cm x 183 cm. Œuvre installée dans la chambre principale. Photo de Larry MacDougal, avec la permission de Murray Gibson.

Photo : Dix fauteuils club bleus sont disposés en demi-cercle entre des pièces murales similaires représentant un champ vert avec des collines en arrière-plan.

Elaine Rounds, Prairie Vistas, 1992, incrustation suédoise sur six panneaux de lin, 1,6 m x 9,1 m. Œuvre faite sur commande et installée dans la salle d’attente circulaire du cabinet d’optométrie du Dr Jay Winburn à Brandon, au Manitoba. Avec la permission d’Elaine Rounds.

Les tisserands des Prairies étaient certainement soucieux de relever les défis liés à la conception, aux matériaux et à la fabrication de commandes afin d’encourager la création d’espaces vivants et habitables. À une époque où les immenses peintures étaient un signe d’excellence professionnelle, les tissages architecturaux ont permis aux artistes textiles d’être pris au sérieux par le monde de l’art, et de se démarquer ainsi de la production domestique fonctionnelle qui les reléguait souvent au rang d’amateurs. Dans l’entre-deux-guerres, les femmes de l’atelier de tissage Bauhaus et des Américaines comme Dorothy Liebes et Gertrude Stregell ont, comme tisserandes professionnelles, ouvert la voie; elles se sont associées à des fabricants de textiles pour produire industriellement leurs créations tissées à la main – texturées et matériellement novatrices – et qui ont souvent été intégrées, comme apports fonctionnels, dans les grands espaces professionnels modernistes49. Cependant, pour Liebes comme pour Strengell, le rôle du tissage dans les espaces architecturaux demeurait résolument utilitaire, une « expression dépendante50 », « fonctionnant de manière architecturale – pour diviser les pièces, contrôler la lumière, assurer l’isolation51 ». En effet, les pièces murales et les enceintes imaginatives ne faisaient pas partie de la vision de Liebes ou de Strengell sur l’alliance entre les textures et l’architecture. Fidèle à cette philosophie, Liebes s’est qualifiée d’ « artiste-designer52 ».

Les artistes textiles des Prairies se sont révélés plus souples que Liebes et Strengell dans leurs relations avec l’architecture. Douglas Motter, tisserand à Calgary et fondateur de F. Douglas Motter and Associates (1961), en collaboration avec d’autres tisserands tels que Gerd Poulsen et Brenda Campbell, a tissé des objets fonctionnels, y compris des draperies, des costumes pour hommes, des napperons et des abat-jours, mais il a également saisi l’occasion de créer des pièces murales pour égayer les espaces publics (cat. 36) et professionnels dans toutes les provinces des Prairies53. Harris et Karvonen, toutes deux immigrées finlandaises au milieu du siècle dernier, ont étudié le textile après avoir appris à tisser des articles domestiques auprès des membres de leurs familles. Elles ont ensuite travaillé dans l’industrie avec des designers d’Europe du Nord avant de se consacrer aux pièces murales après leur arrivée au Canada54. Karvonen, comme Motter, a continué à pratiquer le tissage fonctionnel à la main, qui suscitait l’admiration, tout en créant des tissages architecturaux55. Heller, connue au Canada pour ses tapisseries de grande taille telles que Heat, 1983 (cat. 23), avait débuté sa carrière dans une usine du gouvernement polonais comme designer de tapis industriels, dont la majeure partie de la production était exportée vers l’« Ouest56 ». N’étant pas liés par des idéologies qui confinaient les textiles à un rôle limité dans les espaces architecturaux, ces tisserands des Prairies ont largement collaboré avec des architectes et des designers pour créer des tapisseries monumentales uniques en leur genre – des murales nomades typiquement canadiennes.

Rousseau-Vermette, qui avait travaillé pour Liebes en 1948-1949, se qualifiait elle-même de « peintre-tisserande57 », plutôt que d’adopter le qualificatif d’artiste-designer que se donnait Liebes. Cette nouvelle étiquette mettait en évidence le fait que les tisserands contemporains créaient de l’art en concevant et en réalisant la pièce murale, par opposition à la fabrication des tapisseries historiques, qui reposait sur un processus en deux étapes impliquant un peintre qui fournissait le dessin et un tisserand qui l’exécutait. Dans les Prairies, la plupart des artistes textiles ont travaillé sous le titre de « peintres-tisserands », une déclaration de professionnalisme artistique reconnaissant que le tisserand maîtrisait tous les aspects du processus comme artiste et artisan, une approche qui était conforme à celle des biennales de Lausanne. Une exception à cette tendance fut le projet lancé en 1974 par Fay Loeb de Toronto, qui avait demandé à des peintres canadiens de fournir des designs pour une édition numérotée de pièces murales composées de tapis fabriqués au crochet à clapet, la fabrication des tapis au poinçon devant être confiée à des artisans anonymes au Mexique58. Cette initiative pancanadienne a associé plusieurs peintres des Prairies, dont William Perehudoff (cat. 42) qui a fourni des designs pour une production limitée59. Loeb a fait valoir que c’était la première fois que des peintres canadiens se voyaient accorder le prestigieux honneur de voir leurs designs transformés en tapisseries, comme cela avait été le cas auparavant en France avec des œuvres de peintres européens et américains60. Cependant, la comparaison n’est pas tout à fait exacte : dans le projet de Loeb, le fil était crocheté sur un support de toile existant, une technique très différente de la pratique européenne du tissage de tapisseries sur des métiers à haute ou basse lisse. Loeb a également ignoré la pratique des entreprises américaines de fabrication de tapis au crochet à clapet du XXe siècle, faisant souvent appel à des peintres pour leur fournir des designs modernes, en particulier dans l’entre-deux-guerres61. Les populaires tapisseries de Loeb à édition limitée ont été installées dans des immeubles de bureaux dans tout le Canada.

Comme les tisserands des Prairies l’ont compris, la monumentalité n’est pas une réalisation simple, que ce soit sur le plan de l’esthétique ou du matériel; l’« infiltration de la monumentalité » s’est immiscée dans tous les aspects de leurs projets. Les considérations d’ordre esthétique comprenaient la composition, la couleur, l’échelle physique et le sujet. Il ne suffisait pas d’agrandir un dessin ou une maquette de petite taille; comme le conseillait le sculpteur moderniste Anthony Caro, « une dynamique appropriée, une logique d’agrandissement doivent prévaloir62 ». Les projets textiles réussis tenaient compte des points de référence visuels du public pour garantir la lisibilité de leurs textures et de leurs motifs à partir de distances d’observation requises; ils prenaient en compte la taille, la forme et la configuration des murs de manière à ne pas être éclipsés par l’espace ou à ne pas le submerger, à s’adapter à des murs de forme non conventionnelle et à mettre l’accent sur la directionalité appropriée. Les couleurs qui convenaient à un petit espace ne se prêtaient pas nécessairement à un grand espace, et pour les espaces monumentaux, des couleurs vives et audacieuses étaient souvent nécessaires pour compenser les vastes plans vides. En ce qui concerne les considérations d’ordre matériel, les tisserands devaient s’assurer d’avoir accès à un approvisionnement suffisant et régulier de teintures synthétiques ou locales, ainsi que de fibres naturelles et synthétiques, en plus de disposer des outils et de l’équipement appropriés et, surtout, d’un atelier de travail adéquat. La plupart des motifs de ces immenses commandes ont dû être adaptés à la taille des métiers existants, de sorte qu’ils étaient tissés en sections par la suite assemblées sur le mur sous forme de panneaux. Karvonen, par exemple, a tissé la tapisserie à trois panneaux Ekokanee (1977) pour un Burger King de Medicine Hat, tandis que Harris a inclus onze panneaux dans sa tapisserie monumentale de 1989 commandée par Moriyama & Teshima pour l’hôtel de ville d’Ottawa63 . L’impressionnante Palaver de van Walsem comprenait six panneaux répartis en deux rangées de trois. Alors que les tisserands travaillaient souvent isolés dans des ateliers domestiques, avec un espace restreint, sur le plan social, ils entretenaient des relations multidimensionnelles avec les designers, les clients et les architectes. La correspondance conservée dans leurs archives témoigne du soin apporté à ces relations d’affaires et à ces opérations financières. Par exemple, en parlant de sa commande Ribbonways (1982) pour Eau Claire Place II à Calgary, Jane Kidd observe succinctement qu’elle s’est engagée dès le départ à avoir une idée globale limpide « pour que mon client soit sûr du résultat final64 ». Au-delà des préoccupations d’ordre esthétique, matérielle et spatiale, l’infiltration de la monumentalité dans les relations humaines supposait de communiquer clairement et de négocier de manière efficace les relations sociales entre tous les acteurs clés.

Photo : longue œuvre d’art composée de 11 panneaux. Elle est principalement de couleur beige avec des carrés difformes rouges, bleus et jaunes.

Kaija Sanelma Harris, Ottawa-Carleton Mural Commission Drawing, 1989. Avec la permission de Kaija Sanelma Harris.

Photo : des œuvres d’art ondulées sur trois murs à l’intérieur d’une pièce à haut plafond. Les œuvres d’art sont de couleur beige, jaune, blanc cassé, avec des triangles d’une explosion de couleurs.

Jane Kidd, Ribbonways, 1982, tapisserie tissée épousant une forme; laine, coton et rayonne, 2,1 m x 15 m. Œuvre installée à Eau Claire Place II, Jecco Development, Calgary, en Alberta. Avec la permission de Jane Kidd.

Photo : Les nombreux cadres d’un métier à tisser se trouvent dans une pièce à côté d’étagères contenant des pelotes de fil de différentes couleurs.

Le studio de Kaija Sanelma Harris à Saskatoon pendant qu’elle tissait Ascending Sun, 1983. Avec la permission de la succession de Kaija Sanelma Harris.

La création d’œuvres aussi monumentales a nécessité l’organisation et la réorganisation de la vie et des espaces de ceux et celles qui les ont réalisées. Les immenses tapis fabriqués au crochet à clapet Ta-hah-sheena qui ornent les murs de la bibliothèque Dr John Archer ont été créés dans un atelier aménagé dans une ancienne école, car il aurait été impossible de monter de tels projets dans un environnement domestique actif65. Lors de la production de West Coast Forest, haute de douze pieds, Dickerson s’est rendu compte que la hauteur de son atelier était bien inférieure à la dimension de son projet et a donc dû modifier son métier à tisser vertical pour que les extrémités puissent être abaissées à mesure que le tissage progressait. La perméabilité de son atelier, moins préoccupante lorsque des projets de tissage à court terme et de moindre envergure étaient entrepris, fut également source d’inquiétude pour cette entreprise devant durer toute une année66. Lorsque le contrat de Harris fut signé pour Sun Ascending, elle disposait déjà de l’espace et des métiers à tisser nécessaires, ainsi que « d’une quantité de fils suffisante pour commencer et organiser son atelier ». Cependant, l’ampleur du travail l’a contrainte à vider son espace de tout ce qui n’était pas lié à ce contrat et à l’entreposer ailleurs, ainsi qu’à redisposer ses deux métiers à tisser de manière à ce que les tisserands puissent travailler dos à dos et effectuer des journées de travail régulières de neuf à dix-sept heures67. Il importait de solliciter des tisserands compétents pour répondre à des commandes architecturales de nature variée, qu’il s’agisse de tapisseries uniques ou de produits fonctionnels tels que des draperies et des tissus d’ameublement. Motter faisait régulièrement appel à des diplômés du Collège des arts de l’Alberta formés au tissage, comme Paulsen, Campbell et, plus tard, Carol Little. Campbell a travaillé avec Douglas Motter and Associates pendant quatre ans (1966-1970), où elle a reçu ses premières commandes de pièces murales Rya pour des immeubles de bureaux par l’intermédiaire de Tavender, qui appréciait particulièrement sa formation artistique68. Ces exemples montrent que, qu’il s’agisse de la taille monumentale d’une œuvre ou de sa production, l’expertise humaine et les relations professionnelles sont déterminantes pour la réussite d’un projet.

Photo : Une femme se penche pour couper un morceau de fil. Elle porte un chemisier jaune et vert et ses cheveux bruns sont attachés en queue de cheval.

Brenda Campbell à l’œuvre, à Douglas Motter and Associates, à Calgary, en Alberta, vers 1968. Avec la permission de Brenda Campbell.

Au cours des dernières décennies du XXe siècle, l’essor de l’industrie pétrolière à Calgary eut une incidence considérable sur les commandes de tissage. Praire Carpet, de Gibson, 1990 (cat. 14) en laine et soie, commandé par Esso Ressources pour son centre de recherche de l’Université de Calgary, associe astucieusement les champs de pétrole de l’Alberta à la production pétrolière du Moyen-Orient. Gibson s’est inspiré du tissage en kilim, une technique associée au tissage tribal au Moyen-Orient qu’il étudiait, et au concept romantique d’un tapis magique volant dans le ciel nocturne au-dessus de l’Alberta69. La conception fantaisiste et abstraite de la tapisserie, quoique portant sur un sujet précis, a peut-être contribué à ce qu’elle soit conservée dans la collection d’Esso après avoir été retirée de son emplacement d’origine70. Une autre commande particulière liée au pétrole, Remembering the Future (1988) de Gibson, a été tissée pour un hall d’ascenseur dans les bureaux d’Amoco Corporation à Calgary71. Connaissant à l’avance l’endroit où sa tapisserie devait être accrochée, Gibson a conçu un format horizontal qui répondait à l’espace du couloir, mais qui tenait également compte des proportions des portes de l’ascenseur. Répondant à l’exigence exprimée dans le cahier des charges de la commande de faire référence à l’industrie pétrolière, Gibson a représenté les ondes sismiques produites lors de l’exploration pétrolière et leur mouvement abstrait partant des strates géologiques de la terre, passant ensuite à travers la couche habitable de la planète, en s’élevant jusqu’au ciel. Dans le hall d’entrée de l’ascenseur, la tapisserie célébrait l’industrie pétrolière tout en lui rappelant de manière critique « l’équilibre entre les besoins économiques contemporains et la gestion responsable de l’avenir de la planète72 ». Réalisée à une époque où l’industrie pétrolière était, et continue d’être sous pression en raison des changements climatiques et de la dégradation de l’environnement, la tapisserie de Gibson noue habilement le cadre architectural, le message de la société et le contenu du concept avec un commentaire social pertinent.

De toute évidence, l’intégration de cette forme d’art dans les espaces architecturaux est une tâche complexe, exigeant une sensibilité d’ordre métaphorique et symbolique. Selon l’historienne de l’art Miwon Kwon, le terme « in situ » englobe non seulement l’état physique de l’art, mais aussi les conditions sociales, politiques et culturelles73, car l’emplacement physique de l’œuvre d’art, conjugué à sa matérialité et à ses motifs, crée un espace d’interaction sociale qui favorise les conversations. La fusion de ces conditions transparaît dans de nombreuses tapisseries que réalisa Gibson sur les Prairies, notamment Chinook Medley, une commande financée par des fonds privés pour la collection d’art civique de Calgary dans le cadre des célébrations du 125e anniversaire du Canada en 1992, et qui était à l’origine suspendue à l’extérieur du bureau du maire dans l’ancienne partie de l’hôtel de ville de Calgary. Les motifs soigneusement choisis font référence à l’importance historique de l’élevage et du pétrole pour le développement économique de Calgary en retraçant l’histoire du sud de l’Alberta : l’œuvre intègre des troupeaux de bisons associés à des motifs judicieusement choisis, tels que des marques de bétail, des clôtures de fils barbelés et des symboles pétroliers et gaziers qui forment des « notes » sur les portées musicales74. Les tapisseries narratives telles que celles de Gibson, ou les paysages familiers à plusieurs panneaux comme Prairie Scene (1999) d’Elaine Rounds, œuvre tissée pour la salle de conférence de Meyers Norris Penny, Accountants, sont souvent mieux appréciées au fil du temps, que ce soit dans le cadre de courtes rencontres ou de visites de plus longue durée. Rounds se souvient avec fierté que cette tapisserie suscitait invariablement des conversations amicales parmi les personnes présentes75. Cependant, lorsque les conditions sociales, politiques et culturelles évoluent, les conversations que ces tapisseries provoquent peuvent devenir obsolètes, voire dépourvues d’intérêt, ce qui peut pousser certaines œuvres à une vie nomade.

Photo : une longue œuvre d’art horizontale montée sur un mur blanc dans un couloir près des ascenseurs. Elle est multicolore et comporte des éclairs sur un damier noir et blanc.

Murray Gibson, Remembering the Future, 1988, tapisserie, laine, soie et fibres métalliques, 91 cm x 266 cm. Œuvre faite sur commande et installée dans l’édifice Amoco Canada à Calgary, en Alberta. Photo de Ken Woo utilisée avec la permission de Murray Gibson.

L’abstraction paysagère, un sujet facilement compris par un vaste public, et peut-être plus susceptible de s’adapter à des contextes qui évoluent, était particulièrement appropriée lorsqu’une intégration harmonieuse et idéologiquement neutre avec un intérieur était souhaitée. Rounds a réalisé plusieurs commandes pour des bureaux dans lesquels la palette de couleurs de chaque pièce était soigneusement coordonnée avec la tapisserie, notamment Prairie Vistas (1992) créée en plusieurs panneaux pour la salle d’attente d’un cabinet d’optométrie. La répartition des panneaux sur un mur incurvé permet à tous ceux et celles qui s’assoient sur les chaises placées contre le mur d’avoir une vue sur plusieurs sections du paysage, une perspective que Rounds a conçue en fonction d’un point de vue depuis une véranda avec des piliers blancs interrompant le flux horizontal continu du paysage76. De même, son œuvre Prairie, exécutée en cinq panneaux pour Meyers Norris Penny, intègre habilement les couleurs du revêtement des chaises et de la surface de la table77. D’autres grandes tapisseries sont tout aussi harmonieuses sur le plan architectural, comme Fields (1981) de Harris, une œuvre à plusieurs panneaux située dans l’ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne, et Ekokanee et Westward de Karvonen78.

Jane Kidd, une tisserande qui a réalisé de nombreuses commandes de tapisseries publiques, en a expliqué l’importance : « Les commandes ont pour but de placer dans les lieux publics des œuvres d’art passionnantes et éclatantes qui stimulent les gens, qui font quelque chose pour ces espaces et qui font quelque chose pour les personnes qui les voient tous les jours79 ». Les formes géométriques répondaient à cet objectif efficacement et s’avéraient, comme les paysages, accessibles à un vaste public. Dans Ribbonways de Kidd, des panneaux tissés, tendus sur un cadre curviligne et accrochés sur trois murs du hall d’entrée d’Eau Claire Place II à Calgary, ont égayé l’espace par leurs formes ondulatoires et leurs motifs géométriques animés et colorés. Ils ont permis de contrebalancer efficacement la structure en forme de treillis du bâtiment et d’attirer l’attention sur les portes principales, revigorant ainsi « l’entrée épurée de cette tour de bureaux80 ». De même, This Bright Land, 1976 (cat. 36) de Carol Little et F. Douglas Motter, aux couleurs vives, crée une séquence rythmée de polygones qui font référence à la régularité géométrique de l’architecture moderniste caractéristique de Calgary à l’époque, tout en la contredisant. L’installation Ta-hah-sheena de la Sioux Handcraft Co-operative dans la bibliothèque Archer constitue une interface importante entre les géométries abstraites et les motifs culturels particuliers. Pour de nombreuses personnes, les formes géométriques de ces tapis fabriqués au crochet à clapet étaient assimilables à la fois à de l’art moderniste et à des symboles artistiquement ancrés dans la culture des Premières Nations. Mais pour les artisanes sioux, ces réalisations avaient des significations bien particulières, faisant souvent référence à des motifs précis transmis d’une génération à l’autre par les femmes, et incarnant souvent le récit personnel de l’artisane81. Dans ce dernier exemple, les formes géométriques n’étaient pas seulement visuellement dynamiques, elles codifiaient les histoires de la communauté et des familles.

Dans certains cas, le fait de tisser l’histoire d’un lieu dans une œuvre suspendue a permis de renforcer sa spécificité. Ann Newdigate a réalisé une tapisserie d’une grande richesse conceptuelle pour l’apport postmoderne de Moshe Safdie à l’hôtel de ville d’Ottawa. Many Voices/Mitunkasik (1994), tissée en soie et montée sur toile, intègre dans sa proposition de conception des instructions à l’intention des architectes afin de respecter la diversité de la population d’Ottawa; pour renforcer ce point, Newdigate a traduit ces instructions dans cinq langues des Premières Nations82. La tapisserie de Harris créée en 1989 pour l’hôtel de ville d’Ottawa par le biais d’une commande de Moriyama & Teshima Architects pour leur bâtiment moderniste, a été conçue pour rappeler aux administrateurs municipaux d’Ottawa les entités politiques plus petites qui venaient d’être fusionnées à la grande région de la Capitale nationale. En entrelaçant les formes géométriques de chaque municipalité avec l’abstraction des rivières Rideau et des Outaouais à travers une grille de routes et de rues, son tissage de onze panneaux évoquait les onze plus petites municipalités83. Malgré son contenu symbolique bien précis, la tapisserie, bien que réceptionnée par les architectes, n’a jamais été installée dans l’hôtel de ville et son emplacement demeure inconnu84. Il est clair que de nombreuses œuvres propres à un site ont fait l’objet d’une réflexion conceptuelle poussée, ce qui rend d’autant plus regrettable que l’on ne connaisse pas l’emplacement actuel, parmi les plus impressionnantes qui ont été créées, de plusieurs murales nomades des Prairies.

Photo : panneaux jaune-orange-rouge formant une sorte d’accordéon avec des pièces de cuivre montées le long de l’articulation médiane.

F. Douglas Motter, This Bright Light, 1976 (cat. 36).

Photo : vue détaillée et agrandie du cuivre dentelé sur les panneaux rouge et orange de l’image précédente.

F. Douglas Motter, This Bright Light (détail), 1976 (cat.36).

Photo : un textile marron, blanc cassé et orange suspendu à un bâton incurvé sur un mur blanc. Des ficelles artisanales partent du bas.

Gayle Platz, Large Tapestry Weave, vers 1974 (cat. 43).

Photo : Pièce murale à quatre panneaux. Elle est organisée dans des tons marron, orange et jaune. Il y a des formes en « S » d’un bout à l’autre de la pièce murale, et un cercle orange remarquable au milieu, ainsi que des morceaux de demi-cercles retirés de l’œuvre d’art, dans la partie supérieure et inférieure de celle-ci. Elle est accrochée à un mur de ciment gris.

Vue de l’exposition de Prairies entrelacées : Tissage, modernismes et cadre élargi, 1960-2000, Nickle Galleries, 2022.

Eva Heller, Heat (cat. 23).

Photo : rectangle jaune suspendu avec une bordure blanche sur un mur de ciment gris. Un carré marron incliné avec un morceau en bas à droite se trouve au milieu de l’œuvre d’art avec une longue forme marron foncé au milieu à droite. L’œuvre d’art est signée en noir dans le coin inférieur gauche.

Vue de l’exposition de Prairies entrelacées : Tissage, modernismes et cadre élargi, 1960-2000, Nickle Galleries, 2022.

William Perehudoff, Untitled Tapestry (Loeb Commission), 1976 (cat. 42).

Photo : grande pièce murale bleue. Elle présente une bordure à motifs noirs et blancs et des losanges dans des tons bleu, rose foncé, vert et blanc en une configuration dans le ciel, au-dessus de montagnes rose-violet et de collines vertes, bleues et roses. La pièce murale est coupée en deux dans le tiers supérieur et ce qui pourrait être la partie inférieure de l’œuvre d’art est répété dans la partie supérieure.

Vue de l’exposition de Prairies entrelacées : Tissage, modernismes et cadre élargi, 1960-2000, Nickle Galleries, 2022.

Murray Gibson, Prairie Carpet, 1990 (cat. 14).

Photo : yeux baissés vers une série de douze pièces murales hautes qui forment un motif pyramidal à partir de lignes orange, rouges, pin et jaunes sur un fond bleu-gris.

Vue de l’exposition de Prairies entrelacées : Tissage, modernismes et cadre élargi, 1960-2000, Nickle Galleries, 2022.

Kaija Sanelma Harris, Sun Ascending (12 de 24 panneaux), 1985 (cat. 21).

Photo : vue agrandie et détaillée de la photo précédente montrant les lignes colorées.

Kaija Sanelma Harris, Sun Ascending (détail) (12 de 24 panneaux), 1985 (cat. 21)

L’investissement financier et l’apport en main-d’œuvre nécessaires à la réalisation de tissages architecturaux attirent notre attention sur « l’échelle de temps étendu de leur fabrication… [et] la multiplication des considérations relatives au placement, à la signification et à la pertinence, et, en fin de compte, à la durée de vie prolongée de l’œuvre85 ». Ces œuvres resteront-elles indéfiniment in situ? Qu’advient-il d’elles lorsque la décoration d’intérieur est renouvelée ou que des travaux de rénovation sont entrepris? En tant que murales nomades, sont-elles facilement transportables? Lorsque la ville de Winnipeg a acheté le bâtiment où était exposée Northern Lights de Barton-Tait, la tapisserie a été démontée et offerte à sa créatrice en guise de rachat, ce que Barton-Tait a refusé. Northern Lights est peut-être aujourd’hui entreposée quelque part à Winnipeg, mais son emplacement précis n’est pas connu86. Consciente que ses tapisseries étaient susceptibles d’être déplacées, Rounds les a accrochées avec du Velcro afin qu’elles puissent être détachées facilement sans être abimées. Prairie Vistas, grande tapisserie de Rounds, est aujourd’hui enroulée dans l’entrepôt d’un collectionneur. Bien que ces œuvres soient malheureusement hors de vue, de nombreuses institutions publiques ont assumé la tâche de veiller à ce que les œuvres textiles architecturales restent accessibles au public et aux érudits. La Mackenzie Art Gallery abrite désormais l’immense Sun Ascending de Harris (cat. 21) – démantelée par la Banque TD pour raison de modification de l’art du bâtiment – alors que l’Alberta Foundation for the Arts protège plusieurs tapisseries destinées originellement à être exposées dans les bureaux diplomatiques internationaux de l’Alberta. Malgré les nombreux mois consacrés à la réalisation de Palaver, cette murale nomade n’est restée que peu de temps exposée en raison des inquiétudes suscitées par la décoloration des couleurs, mais elle fait toujours partie de la collection de SK Arts87. La valeur des œuvres textiles monumentales est intrinsèquement liée au temps et à la main-d’œuvre nécessaires à leur réalisation. En respectant et en prolongeant leur durée de vie, on rend honneur à la valeur culturelle non seulement des tapisseries, mais aussi à leurs créateurs. Elaine Rounds a récemment observé que les artistes textiles des Prairies travaillaient souvent seuls dans leur atelier, et la certitude de savoir que leur temps et énergie revêtaient une valeur culturelle collective leur importait88.

Les artistes textiles des Prairies ont créé des tapisseries monumentales qui ont joué des rôles complexes dans de multiples contextes sociaux, culturels, politiques et architecturaux. En concevant ces projets, les artistes et leurs clients ont cherché à établir un équilibre entre l’intérêt du grand public pour les commandes d’art et, d’autre part, la recherche de l’esthétique dans l’art textile lui permettant de prendre sa place dans les vocabulaires de l’art contemporain. Ces créateurs faisaient partie de réseaux internationaux d’art textile et d’architecture, assimilant des techniques et des approches novatrices pratiquées à travers le monde par les voyages, la participation aux expositions internationales, la formation, les publications internationales et l’action des organisations d’art et d’artisanat. Ils ont traduit ces perspectives mondiales en langages textiles sensibles aux préoccupations et aux intérêts régionaux, non sans égard aux desseins des grandes corporations, dans des espaces architecturaux uniques, espaces qui, souvent, étaient aussi reliés à des systèmes mondiaux par le biais du modernisme international. Usant de langages visuels et de matériaux sensuels, ils ont jeté les ponts entre les institutions, le public et les artistes. Chargées de créer des espaces vivants et habitables, souvent au sein de vastes structures de béton brutalistes ou, plus tard, de structures dominées par le verre et l’acier, les tapisseries ont apporté une chaleur physique et émotionnelle grâce à leurs associations métaphoriques, leurs variations de couleurs et de textures, leurs expérimentations de formes monumentales et leurs rôles d’agents sociaux suscitant réflexions et échanges. Or puisque les tapisseries sont transportables, le retrait de ces murales nomades – comme les qualifiait Le Corbusier – de leur emplacement d’origine a entraîné la disparition de certaines d’entre elles, en menaçant même leur survie dans plusieurs cas. Prairies entrelacées rappelle la nécessité de sauvegarder ces tapisseries. Alors que l’architecture monumentale nécessite la présence d’humains, les textiles architecturaux permettent à ces derniers de naviguer les trajectoires physiques et psychiques dans les couloirs, grands et petits. Véritables cartes culturelles stimulant les échanges d’idées et piquant la curiosité intellectuelle, ces murales nomades génèrent ainsi des espaces de vie.

Notes

  1. 1 Janis Jefferies et Diana Wood Conroy, « Shaping Space : Textiles and Architecture—An Introduction », Textile 4, no 3, 2006, p. 235.
  2. 2 Adolph Loos, « Principles of Cladding », Design Manifestos.Org, publié à l’origine dans Neue Freie Press, 4 septembre 1898, https://designmanifestos.org/adolf-loos-the-principle-of-cladding/.
  3. 3 Gottfried Semper, « The Elements », dans Gottfried Semper, The Four Elements of Architecture and Other Writings, trad., Harry Francis Mallgrave et Wolfgang Herrmann, Cambridge, Cambridge University Press, 1851, p. 102-103.
  4. 4 Katherine Dickerson, entretien Zoom avec l’autrice, 7 juillet 2022.
  5. 5 Suzanne Probe, Ta-Hah-Sheena : Sioux Rugs From Standing Buffalo Reserve, Regina, Dunlop Art Gallery, 1988, p. 6-7.
  6. 6 John Tewksbury, « Dr. John Archer Library to celebrate 50 years with Town Hall and Open House event », 4 octobre 2018, Université de Regina, https://www.uregina.ca/external/communications/feature-stories/current/2018/10-04.html.
  7. 7 Brent C. Brolin, Architectural Ornament : Banishment and Return, New-York, Norton, 2000; James Trilling, Ornament : A Modern Perspective, Seattle, University of Washington Press, 2003; Brett, Architectural Ornament; Sandra Alfoldy and Janice Helland, « Introduction », dans Craft Space and Interior Design, 1855-2005, Aldershot, UK, Ashgate, 2008.
  8. 8 Sandra Alfoldy, The Allied Arts: Architecture and Craft in Postwar Canada, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2012.
  9. 9 Jane Kidd reconnaît ce processus lorsqu’elle parle de ses motifs dans Black Rhino Creative, « Jane Kidd, textile artist and 2016 Canada Council laureate », Conseil des arts du Canada, 7 mars 2016, https://www.youtube.com/watch?v=hfPwv6MkzYc.
  10. 10 Henry H. Reed, Jr., « Monumental Architecture : Or the Art of Pleasing in Civic Design », Perspecta 1, été 1952, p. 52.
  11. 11 Peter Hemingway, « Interview : with Edmonton architect Peter Hemingway », dans Katharine Dickerson and Don Maybe (dir.), Commissioning Visual Art : A Guide for Artists and Patrons, Edmonton, Alberta Culture, 1984, p. 14.
  12. 12 « Centre International de la tapisserie ancienne et moderne, Règlement : Bestimumunge : Regulations : 1re Biennale internationale de la tapisserie Lausanne 1962 », règles d’admission, Lausanne, 1961, s.p., cité dans Dianne Taylor, « The First Through the Tenth Biennales Internationales de la Tapisserie, Lausanne, Switzerland », thèse de doctorat, North Texas University, 1983, p. 84-85.
  13. 13 Le Corbusier, « Muralnomads », dans Biennale internationale de la tapisserie & Centre International de la tapisserie ancienne et moderne, Lausanne, Centre international de la tapisserie ancienne et moderne 1962, p. 9.
  14. 14 Eva Heller, entretien avec Julia Krueger, 4 novembre 2021.
  15. 15 Heller, entretien.
  16. 16 Nancy Russell, « Accent on Art with Nancy Russell : Weavings Show Growth », Star-Phoenix (Saskatoon), 11 juin 1976, p. 29.
  17. 17 Anne Newlands, « Mariette Rousseau-Vermette : Journey of a Painter-weaver from the 1940s through the 1960s », Journal of Canadian Art History 32, no 2, 2011, p. 94. En 1980, Rousseau-Vermette a pris la tête de la division des arts textiles du Banff Centre : « A Brief History of Visual Arts », Banff Centre for Arts and Creativity, https://www.banffcentre.ca/brief-history-visual-arts.
  18. 18 Newlands, « Rousseau-Vermette », p. 75; Regina Lee Blaszczyk, « Designing Synthetics, Promoting Brands : Dorothy Liebes, DuPont Fibres and Post-war American Interiors », Journal of Design History 21, no 1, 2010, p. 255.
  19. 19 Biographie de Kaija Sanelma Harris, résumé, Commande de Sun Ascending – TD; ksh 83-84, Commande de Sun Ascending – TD; rencontre avec la TD en 1984, dossiers de commande – Toronto Dominion, ksh 83-84 commande de Sun Ascending – TD. Documents de Kaija Sanelma, Conseil des arts de la Saskatchewan, Saskatoon, SK.
  20. 20 Newlands, « Rousseau-Vermette », p. 100.
  21. 21 Newlands, « Rousseau-Vermette », p. 100.
  22. 22 En 1978, MacMillan Bloedel était « la plus grande société publique de Colombie-Britannique pour ce qui est du revenu brut » et elle exerçait ses activités selon un modèle d’intégration verticale, c’est-à-dire « qu’elle contrôlait la fibre de bois de la forêt jusqu’au produit » : Donald MacKay, Empire of Wood : The MacMillan Bloedel Story, Vancouver/Toronto, Douglas and McIntyre and Seattle, University of Washington Press, 1982, p. 325.
  23. 23 Mary Fox, « The Woven Arts of Katharine Dickerson », Western Living, juin 1977, p. 55-56; Dickerson, entretien Zoom.
  24. 24 Kaija Sanelma Harris, « Aesthetics », ksh83-84_sunascending_tdcommission, ksh, worksdocumentation; ksh – notes personnelles – Sun Ascending. Documents de Kaija Sanelma Harris, Conseil des arts de la Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan.
  25. 25 Harris, « Aesthetics ».
  26. 26 Mildred Constantine et Jack Lenor Larsen, « Art Fabric in Architecture », dans Mildred Constantine and Jack Lenor Larsen (dir.), The Art Fabric Mainstream, New-York, Van Nostrand Reinhold Company, 1981, p. 203.
  27. 27 Elissa Auther, « Fiber Art and the Hierarchy of Art and Craft, 1960-1980 », Journal of Modern Craft 1, no 1, mars 2008, p. 19. Harris rapporte que cette exposition a été « fabuleuse ». Sheila Robertson, « Kaija Harris – Working With The Grid », Craft Factor (Saskatoon) 28, no 1, automne 2003, p. 7.
  28. 28 Mildred Constantine et Jack Lenor Larsen, Beyond Craft : The Art Fabric, New-York, Van Nostrand Reinhold, 1973 : et Constantine et Larsen, Art Fabric Mainstream.
  29. 29 Yolande Krueger, courriel à l’autrice, 10 mars 2022.
  30. 30 Susan Surette, « Canadian Ceramic Relief Murals : Studio Craft and Architecture – A Case Study of the Sturdy-Stone Centre Murals, 1975–1983 », thèse de doctorat, Université Concordia, Montréal, 2014, p. 141-142.
  31. 31 Martina Margetts, « Rediscovering the Craftworker : the role of craft in architecture », dans Peter Townsend (dir.), Art Within Reach : Artists and Craftworkers, architects and patrons in the making of public art, London, Thames and Hudson, publié par « Art Monthly » en collaboration avec l’Arts Council of Great Britain et le Crafts Council, 1984, p. 66.
  32. 32 Hazen Sise, « Letter from Montreal », Canadian Art 22, no 3, mai/juin 1965, p. 51.
  33. 33 James Murray, « On Architecture : The Role of the Architect », Canadian Art 19, no 3, mai/juin 1962, p. 197.
  34. 34 Gibson, entretien; « People of the Arts: Katharine Dickerson », 2, no 5 Arts West, 1977, p. 25, https://katharinedickerson.com/articles/arts-west/.
  35. 35 Murray Gibson, entretien avec Julia Krueger et Michele Hardy, 3 octobre 2021. Gibson mentionne un cours qu’il a suivi lorsqu’il étudiait à l’ACAD.
  36. 36 Catherine Anderson-Dolcini, « One-Percent for Whom? Canada’s Public Works Fine Art Program 1964-1978 : Its Rise and Demise », mémoire de maîtrise, Université Carleton, 2000, p. 1.
  37. 37 Dianne Burns, « Fibre Focus Profile: Katharine Dickerson : Textile Artist », Fibre Focus, printemps 2003, https://katharinedickerson.com/articles/fiber-focus-profile/
  38. 38 Katharine Dickerson et Don Maybe, Commissioning Visual Art : A Guide for Artists and Patrons, Edmonton, Culture Alberta, 1984.
  39. 39 Katharine Dickerson présente le processus de commande de manière très systématique dans son livre de 1984, Commissioning Visual Art : A Guide for Artists and Patrons. Elle inclut des diagrammes, des instructions claires et des entretiens éclairants avec des personnes qui ont participé à ce processus à plusieurs titres.
  40. 40 Eve Baxter citée dans Susan Warner Keene, « New faces at the TD Centre », Ontario Craft, printemps 1986, p. 16.
  41. 41 Susan Barton-Tait, courriel à l’autrice, 27 mars 2022.
  42. 42 Brenda Campbell, entretien avec l’autrice, 15 juillet 2022.
  43. 43 Carolyn Tavender, « Obituary », Calgary Herald, 22-23 juin, 2015, https://www.legacy.com/obituaries/calgaryherald/obituary.aspx?n=carolyn- tavender&pid=175131362&fhid=6135.
  44. 44 Brenda Campbell, entretien.
  45. 45 Alex King, courriel à l’autrice, bibliothèque Dr. John Archer, Université de Regina, 23 mars 2022.
  46. 46 Archives Margreet van Walsem, « W04 Palaver Note 2 The design », documents de Margreet van Walsem, SK Arts, Regina, Saskatchewan.
  47. 47 Elaine Rounds, entretien avec l’autrice, 12 juillet 2022. Une recommandation importante d’un collègue, le photographe Barry Cullen, qui n’a pas accepté de commission, a abouti en 1993 à la réalisation d’une tapisserie pour le Centre de recherche agricole de Brandon, au Manitoba.
  48. 48 Peter Dormer, « Embellishment with the Public Purse : the responsibilities of the public servant », dans Townsend (dir.), Art Within Reach, p. 42.
  49. 49 Ulrike Müller, « Women – A Class of Their Own : The Artist Weavers », dans Bauhaus Women : Art, Handicraft, Design, Paris, Flammarion, 2009, p. 36-67; Ed Rossbach, « Fiber in the Forties », American Craft 42, no 5, octobre 1982, p. 15-19.
  50. 50 Dorothy Liebes, « Modern Textiles », Decorative Arts, catalogue d’exposition, San Francisco, Department of Fine Arts, Division of Decorative Arts, Golden Gate International Exposition, 1939, p. 92, citée dans Ed Rossbach, « Fiber in the Forties », p. 18.
  51. 51 Rossbach, « Fiber in the Forties », p. 17.
  52. 52 Newlands, « Rousseau-Vermette », p. 82.
  53. 53 Des tissages de F. Douglas Motter ont été accrochés dans les édifices législatifs et la Petroleum Plaza d’Edmonton, à l’American Hotel de Winnipeg et au Southern Alberta Institute of Technology de Calgary. “Francis Douglas Motter,” notice nécrologique, Calgary Herald, 21 novembre 1993, https://www.newspapers.com/clip/49089183/obituary-for-francis-motter-douglas/; Gerd Poulsen citée dans Tori Thomas, « World of Women », Calgary Herald, 12 octobre 1968, p. 9; Campbell, entretien. Campbell se souvient d’avoir tissé un tartan qu’elle avait dessiné. Le tissage fonctionnel était vendu dans une boutique attenante à l’atelier de tissage.
  54. 54 Hannah Lawson, « The Thread in Everything », Town and Country Today.com, 23 janvier 2018, https://www.townandcountrytoday.com/athabasca-news/the-thread-in-everything-1870394; ébauche de la biographie de Kaija Sanelma Harris, août 2016. KSH – biographie, documents de Kaija Sanelma Harris, Conseil des arts de la Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan.
  55. 55 Le Musée canadien de l’histoire possède un tapis (numéro d’artefact 83-586) et une nappe (numéro d’artefact 83-587) de Pirkko Karvonen.
  56. 56 Heller, entretien.
  57. 57 Newlands, « Rousseau-Vermette », p. 76, p. 81-82.
  58. 58 Marie Fleming, « Introduction » Canadian Tapestries : an exhibition of 23 tapestries designed by Canadian painters and sculptors, Toronto, Art Gallery of Ontario, 1977, p. 6.
  59. 59 Fleming, « Introduction », p. 8-9. D’autres peintres des Prairies ont participé au projet, notamment William Kurelek, Ronald L. Bloore, Don Proch, Maxwell Bates, Otto Rogers et Dorothy Knowles.
  60. 60 Fleming, «Introduction », p. 5. Les peintres qui ont fourni des dessins aux maisons de tapisserie européennes sont Joan Miró, Pablo Picasso, Kenneth Noland et Frank Stella.
  61. 61 Cynthia Fowler, Hooked Rugs : Encounters in American Modern Art, Craft and Design, Burlington, VT and Surrey, UK, Ashgate, 2013.
  62. 62 Anthony Caro, cité dans Deanna Petherbridge, « Exaggerations of the Public Order : complexities and practicalities of carrying out commissions », dans Townsend (dir.), Art Within Reach, p. 49.
  63. 63 Accusé de réception de l’œuvre transmis à Kaija Sanelma Harris par Moriyama and Teshima, 7 décembre 1989. L’emplacement du tissage est actuellement inconnu. Documents de Kaija Sanelma Harris, Conseil des arts de la Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan.
  64. 64 Nancy Tousley, « Unusual Work Embraces Foyer with Flowing Colour », Calgary Herald, 24 novembre 1985, A11.
  65. 65 Joan Hensen, Standing Buffalo, Office national du film du Canada,1968, https://www.nfb.ca/film/standing_buffalo/.
  66. 66 « People of the Arts », p. 25.
  67. 67 Harris, notes personnelles, Sun Ascending, dossiers de commande – Toronto Dominion, documents de Kaija Sanelma Harris, Conseil des arts de la Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan.
  68. 68 Campbell, entretien. Avant de monter son propre atelier, Campbell tissait également des articles utilitaires comme Poulsen, mais elle a ensuite abandonné cet aspect de son activité. Campbell raconte que Motter n’a commencé à tisser des pièces murales qu’après avoir quitté son emploi.
  69. 69 Murray Gibson, Prairie Carpet, tapisserie de Murray Gibson, site Web de l’artiste. https://www.murraygibsontapestry.com/tapestries#/all-commissions.
  70. 70 Courriel de Michele Hardy concernant son emplacement actuel, 15 juillet 2022.
  71. 71 Cette tapisserie n’a pas été retenue par le client et à été vendue à un collectionneur privé par l’intermédiaire de la Heffel Fine Art Auction House en 2016.
  72. 72 Murray Gibson, Remembering the Future, tapisserie de Murray Gibson, site Web de l’artiste, https://www.murraygibsontapestry.com/tapestries#/all-commissions; Gibson, entretien.
  73. 73 Miwon Kwon, One Place After Another : site-specific art and locational identity, Cambridge, MA, MIT Press, 2002.
  74. 74 Murray Gibson, courriel à l’autrice, 20 mars 2022.
  75. 75 Rounds, entretien.
  76. 76 Rounds, entretien.
  77. 77 Cette tapisserie a été tissée pour Myers Norris Penny, Accountants, en 1999.
  78. 78 Julia Krueger, entretien téléphonique avec l’autrice, 9 mars 2022.
  79. 79 Jane Kidd, citée dans Tousley, « Unusual Work », A11.
  80. 80 Tousley, « Unusual Work », A11.
  81. 81 Hensen, « Standing Buffalo »; Probe, Ta-Hah-Sheena, p. 7.
  82. 82 Ann Newdigate, Many Voices/Miltunkasik, site Web de l’artiste, http://www.annnewdigate.ca/archives/pages/BACKGROUND_details/ottawa.html. Cette tapisserie fait toujours partie de la collection d’art de la ville d’Ottawa.
  83. 83 Archives Kaija Sanelma Harris, Ottawa Carleton Mural, proposition – Ottawa Carleton. Documents de Kaija Sanelma Harris, Conseil des arts de la Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan.
  84. 84 Lettre transmise à Harris par Moriyama and Teshima Architects, 7 décembre 1989, documentation sur les œuvres de Kaija Sanelma, Kaija Sanelma Harris 89 Ottawa Carleton Mural, preuve d’achat, documents de Kaija Sanelma Harris, Conseil des arts de la Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan; Julia Krueger, 9 mars 2022.
  85. 85 Petherbridge, « Exaggerations », p. 49.
  86. 86 Susan Barton-Tait, courriel à l’autrice, 27 mars 2022. Julia Krueger, 9 mars 2022.
  87. 87 Julia Krueger, courriel à l’autrice, 14 juillet 2022.
  88. 88 Rounds, entretien.

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