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Prairies entrelacées: Description longue

Prairies entrelacées
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table of contents
  1. Front matter
    1. Half Title Page
    2. Art in Profile series
    3. Title Page
    4. Copyright Page
    5. Contents
    6. Message de la Ministre
    7. Remerciements
    8. Itinéraire de l’exposition
    9. 1 Introduction à Prairies entrelacées : Retrouver les « modernismes perdus »
  2. Section 1 : Recouvrer les histoires
    1. 2. Reculez – Il n’y a rien à voir – Circulez
    2. 3. Modernistes marginalisés : Coopératives et arts textiles autochtones en Saskatchewan, 1960-1972
    3. 4. Histoires métisses et travail artistique des femmes dans Margaret’s Rug de Margaret Pelletier Harrison
    4. 5. Le don du temps, le don de la liberté : Le tissage et les arts textiles au Banff Centre
    5. 6. Espaces vivants et habitables : Les textiles et l’architecture des Prairies
  3. Section 2 : Rencontres contextuelles
    1. 7. Exposition Prairies entrelacées : Rencontres, désirs et défis
    2. 8. Le tissage à l’horizon : Rencontres avec l’art textile dans les Prairies canadiennes
    3. 9. Les corps contextuels : Du berceau à la barricade
    4. 10. Six façons de découvrir Prairies entrelacées
  4. Section 3 : Élargir le cadre
    1. 11. Élargir le cadre du tissage
  5. Listes des œuvres
  6. Contributeurs

Photo : un mélange de textiles essentiellement blancs avec des touches de jaune, d’orange, de vert, de bleu et de violet dans une forme carrée en trois dimensions.

Jane Kidd, Landslice #3, 1989 (cat. 27)

10Six façons de découvrir Prairies entrelacées

par Alison Calder

La vue

En contemplant le saule de Wolf fleurir,

ruisselant de jaune à travers une opulence de parfums, je craque,

en flamme dans la stratosphère.

Le regard nous ébranle.

Le monde et sa brillance ne peuvent pas soutenir le poids de notre évaporation.

Tim Lilburn, 2007, « How To Be Here?1 »

Il serait trompeur de penser qu’il est facile de transformer le paysage des Praires en œuvre d’art. Les écrivains qui ont d’abord essayé de les décrire avec leur anglais importé ont ignoré les langues et le savoir autochtones qui auraient pu les assister dans leur démarche. Cette aliénation est présente dans les romans réalistes les plus connus des Prairies, qui étaient lus, à l’instar du paysage, de manière transparente ou évidente. Depuis une cinquantaine d’années, une grande partie des écrits issus des provinces des Prairies s’inscrivent dans une démarche de réécriture. Comme le souligne Karina Vernon dans The Black Prairie Archives, ce n’est pas un hasard si l’histoire littéraire des Prairies présente une perspective de colonisateur blanc2. J’ajouterais que ce n’est pas non plus un hasard si l’histoire littéraire des Prairies reflète largement leur raison d’être, à savoir l’extraction des ressources, qu’elles proviennent de l’agriculture, de mines, de pétrole ou même de l’art. Dans cette optique, la valeur des Prairies est centrée sur leur utilité dans la création de richesse : une terre qui ne peut être pas exploitée est un gaspillage d’espace.

Les œuvres présentées dans Prairies entrelacées bouleversent ce récit de la valeur utilitaire régionale, eu égard au le lieu comme à l’art. Alors que les récents écrits sur les Prairies s’ouvrent à la sensibilisation envers l’environnement, l’histoire de longue durée et le savoir autochtone, les lecteurs sont invités à porter un nouveau regard sur un paysage tenu pour acquis. Déstabilisant les idées de propriété et de domination, ce regard, comme l’écrit Tim Lilburn, nous ébranle. De même, les personnes qui découvrent Prairies entrelacées sont interpellées par des œuvres telles que Rapeseed Fields de Pirkko Karvonen (cat. 25). Dans cette œuvre, la perspective est étonnamment aérienne : au lieu de contempler l’horizon habituel, nous survolons une culture qui déborde de ses champs, submergeant les routes de section ou creusant des tunnels en contrebas. Le titre de l’œuvre invite à la spéculation : en quoi est-ce un champ? C’est devenu un cliché que de parler des Prairies en termes de terre et de ciel, mais ici, le spectateur est en fait dans le ciel, regardant de haut des champs qui peuvent être perçus uniquement comme des formes et des couleurs. La relation horizontale/verticale, mise en relief dans la vision souvent citée d’Henry Kreisel d’un « géant dans le paysage » se profilant sur fond de ciel3, est interrompue. Une révision similaire surgit dans Landslice #1 de Jane Kidd (cat. 26), se présentant comme une coupe transversale du sol, construite ici en tirant les fils de chaîne après le tissage pour créer un tissu enchevêtré. Si Rapeseed Field emmène le spectateur au-dessus de la terre, Landslice # 1 nous invite à la regarder par-dessous. Le tissu coloré, apparaissant comme des morceaux de tissu ou des rejets – bien qu’il s’agisse d’une seule pièce –, remplit une fonction presque archéologique en rappelant aux spectateurs l’histoire profonde de la terre à mesure que les couches de l’occupation humaine sont révélées. Cette œuvre évoque également un paysage fabriqué, non seulement en exhibant une tranche de terre qui a été elle-même réalisée, mais aussi en présentant le spectacle du labeur de l’artiste. Bien que le labeur agricole, par exemple, soit amplement représenté dans les romans canoniques des Prairies, comme Wild Geese4 de Martha Ostenso, 1925, le labeur associé à la rédaction de ces romans est en grande partie masqué par le produit fini. Il en va de même pour l’artisanat textile domestique, largement réalisé par des femmes, où le temps et le savoir-faire de l’artisane sont éclipsés par la valeur utilitaire inhérente à un produit tel qu’un linge à vaisselle ou une paire de chaussettes tricotées à la main. À force d’être utilisés, ces produits deviennent éphémères et le labeur lié à la fabrication de tapis, de vêtements, de couvertures, de serviettes et même de chiffons se dissout et disparaît. Dans Landsclice # 3 (cat. 27), le spectateur est particulièrement confronté au « gaspillage » de la productivité, car l’action laborieuse de Kidd, qui consiste à tirer les fils de chaîne, transforme le textile tissé à plat en un objet d’art sculptural. Les pièces de Landslice soulèvent de multiples questions sur les liens entre la culture des colons et le lieu, le coût de la colonisation pour la planète, l’effacement du labeur des femmes dans les tâches ménagères et la nécessité de procéder à des fouilles littérales et figuratives de l’histoire enfouie.

Le corps

Défendons les seins de toutes tailles et de toutes couleurs,

des seins en forme de kiwi,

de mandolines, de pigeons boulants, des seins espiègles et impudiques comme des chiots. Des seins qui font sauter les boutons,

des seins avec des tatouages de roses. Donnons-leur le droit de vote.

Faisons-les maires d’un jour.

Lorna Crozier, 2009, « News Flash from the Fashion Magazines5 »

Ainsi s’exprime la poétesse Lorna Crozier dans un extrait de « News Flash from the Fashion Magazines ». Le poème de Crozier – ludique, féministe, politique, un peu ridicule – utilise l’imagerie et le langage pour briser le silence qui entoure le corps des femmes, et pour mettre en évidence les moyens par lesquels l’industrie de la mode et le capitalisme en général cherchent à les contrôler. Réponse ostensible à un article affirmant que les seins sont démodés, le poème est doté d’une expression jumelle dans Boob Tree de Phillis Green (cat. 18), où la description de Crozier des seins « en forme de kiwi » est traduite de façon littérale dans la sculpture de Green. Comme Crozier, Green fait des seins le centre d’attention, les transformant en fruits ou en feuilles, les animant et les laissant étrangement sans attaches. Désincarnés, les seins crochetés de Green sont choquants, mais seulement parce que la fixation culturelle sur le corps des femmes est démasquée. La culture occidentale traite-t-elle les femmes comme des arbres à nichons? Alors que Crozier présente les seins comme des entités indépendantes, leur conférant un pouvoir parodique – « Donnons-leur le droit de vote » –, le traitement au crochet de Green les rend curieusement passifs. Par ailleurs, son utilisation du crochet nourrit un scandale potentiel en associant un artisanat généralement attribué aux grands-mères à une sexualité ouverte. La qualité caricaturale du travail de Green, accentuée par ses couleurs vives, évoque et commente la nature juvénile du regard masculin, un regard que, comme le souligne le poème de Crozier, les femmes braquent également sur elles-mêmes.

Le souci de l’identité féminine relie le corps fructifié de Green à la sculpture vertébrale Close Knit d’Aganetha Dyck (cat. 13). Ces chandails feutrés sont à la fois identiques et différents, leurs attitudes anthropomorphiques semblant indiquer qu’ils regardent curieusement autour d’eux, et qu’ils sont peut-être entassés les uns sur les autres par souci de confort, ou parce qu’ils sont incapables de partir. Il est tentant de lire dans cette œuvre le genre d’exploration et de description des communautés mennonites des Prairies que la poétesse di brandt a entrepris en 1987 dans questions i asked my mother ou que la romancière Miriam Toews a présenté en 2004 dans A Complicated Kindness6. L’utilisation par Dick de chandails feutrés, avec le jeu de mots anglais sur les vêtements et la proximité (clothes/close), adoucit littéralement sa critique, car le support permet une interprétation ambiguë. Quel est le coût de l’uniformité que l’artiste illustre? L’art sans paroles de Dyck, permettant à des situations contradictoires d’être vraies simultanément, réussit à montrer des identités sociales complexes sans en attribuer de responsabilité. Le support offre également à Dyck une sorte de déni plausible que ne peut sans doute revendiquer Nancy Crites, car son utilisation de préservatifs dans le tapis d’accueil Threshold – No laughing matters (cat. 9) ne permet pas de considérer son œuvre de manière apolitique. À l’instar de l’esthétique du rebut figurant dans les œuvres Landslice de Kidd, le recours aux chandails feutrés dans Close Knit, de Dyck, soulève également des questions sur la durabilité, le gaspillage et le labeur. Ces vêtements sont-ils abîmés par leur transformation en œuvres d’art, ou s’agit-il de rebuts réutilisés à bon escient? Quels coûts examine-t-on ici – et qui paie la facture?

Photo : détail de l’arbre à seins - des douzaines de seins tricotés roses avec des tétons rouge foncé dans une collection ressemblant à un bouquet.

Phyllis Green, Boob Tree (détail), 1975 (cat. 18).

Les profondeurs

« Sur cette surface monotone, avec ses fermes occasionnelles en forme de navire, ses atolls d’arbres brise-vent, son ruban d’horizon plat, il n’y a pas grand-chose pour interrompre le regard. Les routes filent tout droit entre les clôtures parallèles jusqu’à ce qu’elles croisent la courbe de l’horizon. C’est un paysage de cercles, de rayons, d’exercices de perspective – un pays de géométrie7 ». Voilà ce qu’écrit Wallace Stegner en 1962 dans Wolf Willow, les mémoires emblématiques de son enfance dans le sud de la Saskatchewan. Une telle géométrie peut sembler définir le lien entre les gens et le lieu, comme dans le titre de l’étude de 1973 de Laurence Ricou sur la littérature des Prairies, Vertical Man/Horizontal World (L’homme vertical/le monde horizontal)8. Mais comme le suggère le sous-titre du livre de Stegner – « A History, a Story, and a Memory of the Last Plains Frontier » (Une histoire, un récit et un souvenir de la dernière frontière des plaines) – les lignes qui semblent définies dissimulent une intersection complexe entre le temps, le lieu et la réaction de l’être humain. La transparence de la terre est un masque, cachant différentes réalités qui sont peut-être mieux mises en relation grâce à la métaphore ou à l’art.

La notion de l’importance du lieu est présente même dans le titre Prairies entrelacées, et de nombreuses œuvres présentées ici évoquent directement l’imaginaire géométrique des colons. Les œuvres d’Amy Lowean, A Mandala : The Circle and the Square (cat. 30) et A Peace Project (cat. 31) en sont des exemples évidents, tout comme The Seed (cat. 53) de Margaret Sutherland et Rapeseed Fields (cat. 25) de Pirkko Karvonen. Mais, comme pour les Prairies elles-mêmes, tout n’est pas comme il semble. Prairie Sunset (cat. 1), de Pat Adams, avec sa représentation minimaliste de l’horizon et de la lumière, semble correspondre parfaitement au modèle de Stegner. Mais que dire alors de Remember That Sunset We Saw From Here One Time, d’Adams (cat. 2)? Si, d’une part, le spectateur voit désormais deux paysages, il est également confronté, grâce à la duplication et à la superposition postmodernes des images, au fait qu’aucun de ces rectangles n’est en réalité un paysage. La géographie naturelle de Stegner est ici reconfigurée en une représentation hautement stylisée qui semble de moins en moins naturelle étant donné que l’œuvre d’Adams soulève des questions de couleur et d’échelle. La prairie est-elle vraiment aussi plate? Le fait que les deux images superposées semblent plausibles laisse penser que ce n’est peut-être pas le cas, puisque l’œuvre d’Adams attire l’attention sur l’art plutôt que sur le sujet. Cette problématisation persistante de la représentation, également illustrée dans des écrits brouillant les genres tels que The Prowler de Kristjana Gunnars, 1989, ou Places Far from Ellesmere9, d’Aritha van Herk, 1990, témoigne à nouveau d’un désir de réécrire les clichés relatifs aux Prairies. En juxtaposant le paysage de l’île d’Ellesmere au décor du roman de Tolstoy Anna Karénine, van Herk propose une double vision qui crée un espace permettant d’examiner les « règles » de la représentation de l’environnement et du genre. L’œuvre d’Adams fonctionne de la même manière, puisque le spectateur est invité à se poser des questions sur la construction de la tapisserie et à s’interroger sur celui du paysage lui-même.

D’autres complications liées au lieu sont présentes dans Woodlands Undercover (cat. 8) de Brenda Campbell. Son imagerie topographique, qui rappelle Rapeseed Fields (cat. 25), semble extraite d’un cadre plus grand, la bordure plus claire contre le noir évoquant à la fois une carte déchiquetée et la rive d’un lac vue du ciel. Des champs et des sillons défilent et oscillent pour former une texture qui évoque les forêts dont il est question dans le titre de l’œuvre. Être infiltré, c’est être subversif, dissimulé : qu’est-ce que cela signifie de déconstruire un paysage, surtout un paysage qui a été construit aussi consciemment? Les deux bords droits de l’œuvre accentuent l’absence de cadrage ailleurs. Non seulement le tissu semble s’échapper du bord déchiqueté de l’œuvre, mais grâce aux espaces entres les cordes tissées, l’œuvre permet également au regard de l’observateur de se porter au-delà de la surface (infiltration?) jusqu’au mur derrière.

Ce qui frappe également ici, c’est l’utilisation de la couleur. Alors que Rapeseed Fields (cat. 25) fait appel au vert et à l’or habituels pour évoquer son sujet, Campbell recourt au gris, ce qui signifie que le spectateur doit trouver un autre moyen pour comprendre comment ce qu’il voit représente une forêt. Pour sa part, dans Ten Shades of Sheep (cat. 55), Annabel Taylor utilise la couleur pour promouvoir un autre type d’engagement. Paradoxalement, en présentant son œuvre comme une étude de couleurs, elle établit une relation directe avec des matériaux habituellement tenus pour acquis.

La culture de consommation donne l’impression que les textiles et les vêtements sont accessibles en permanence, semblant être le produit de mains inconnues et provenir de sources invisibles. Ten Shades of Sheep (cat. 55) rend ces sources littéralement visibles, les différentes teintes de laine étant combinées pour créer une texture cohérente. À la fois échantillon et vitrine, cette œuvre renvoie à des créations hautement conceptuelles et à la beauté ocrée des archives de teintures de Kate Waterhouse (cat. 58). Présentant des plantes locales telles que la vergerette et l’ortie sous un jour peut-être inattendu, les archives de Waterhouse invitent à redéfinir ce qui nous entoure, car les plantes que le spectateur croyait connaître apparaissent sous des dimensions insoupçonnées. Ainsi, le spectateur est appelé à sortir des sentiers battus pour s’interroger sur les fondements de ce qui l’entoure.

Le plat?

Tout le monde sait que les Prairies sont des lieux qui se prêtent à l’agriculture. Vraiment? À force de considérer les Prairies principalement sous l’angle de l’extraction des ressources, elles sont devenues l’un des paysages les plus altérés au monde. Pour suivre d’autres voies imaginatives, il faut se recentrer, être capable de recadrer et de voir un lieu sans horizons littéraux ou symboliques. Le présent essai a commencé par l’examen de la vue aérienne qui désoriente, présentée dans Rapeseed Fields (cat. 25) de Karvonen. Furrow (cat. 29), de Carol Little, ajoute une autre dimension à cette perspective qui va du haut vers le bas. Furrow fait pivoter la ligne sur son axe, évoquant simultanément un sillon vu dans le sens de la longueur, la longue bande de tissu reproduisant la ligne droite de la charrue, et dans le sens transversal, le zig-zag du tissu rappelant la coupe d’un champ labouré. Si l’on considère que les Prairies ont deux dimensions – le paysage de Stegner composé de cercles, de rayons et d’exercices de perspective – alors Furrow passe au 3D avec le dynamisme d’un tapis volant. La couleur vive rend le paysage agricole encore moins familier, redéfinissant le sillon en termes de possibilité esthétique plutôt qu’en termes de sous-produit agricole. Quel est le but de ce sillon aérien, pris en plein envol? Nous pourrions aussi examiner cette œuvre à côté de Winter Sun (cat. 35) de Cathryn Miller, dont les angles aigus reflètent la lumière froide et les cristaux de glace. Winter Sun évoque l’immobilité, tandis que Furrow, comme Close Knit (cat. 13) de Dyck, invite à l’animation. Tandis que certaines œuvres incitent à la contemplation attentive, Furrow donne l’impression que le spectateur pourrait être contraint de la pourchasser à travers la galerie. Pour bien des gens, les Prairies sont immuables, un paysage agricole intemporel et immobile qui appartient toujours au passé. Little utilise le titre de son œuvre comme une charnière pour faire basculer la représentation d’un mode à l’autre, soulevant des questions à la fois sur l’art et sur son sujet hypothétique, et donnant à la géométrie des colons un second souffle.

Photo : pièce murale en trois panneaux, de couleur marron et havane, illustrant une chose oblongue dont le centre est vide.

Margaret Sutherland, The Seed (détail), vers 1984 (cat. 53).

Photo : détail de l’image précédente montrant les lignes verticales du tissage.

Margaret Sutherland, The Seed, vers 1984 (cat. 53).

Photo : une série montée et encadrée de bandes verticales et horizontales de matériau blanc tissé au milieu avec quelques mots visibles dans différentes langues - pardon, compassion - et un cercle noir superposé au milieu.

Amy Loewan, A Peace Project, 2000 (cat. 31).

Photo : détail de l’image précédente montrant le mot « kindness » en anglais et dans diverses autres langues non latines sur les bandes tissées.

Amy Loewan, A Peace Project (détail), 2000 (cat. 31).

Photo : tapis gris en forme de drapeau avec des lignes horizontales en gris plus clair, blanc cassé, jaune et orange se croisant en forme de W au milieu gauche de l’œuvre d’art.

Cathryn Miller, Winter Sun, vers 1977 (cat. 35).

Photo : une carte remplie d’échantillons de fils accompagnés d’un texte expliquant comment ils ont été teints.

Kate Waterhouse, Kate Waterhouse Archives—Tableau d’échantillons de teintures, 1977 (cat. 58).

Photo : le parcours horizontal est composé de lignes rouges et de lignes rouge plus foncé, qui forment une bordure autour d’un centre lilas rempli de croix roses et rose foncé, ainsi que de croix jaunes et rouges. Les croix ont toutes un carré de couleur à l’intersection.

Florence Ryder, Untitled (lilac ground), s.d. (cat. 48).

La voix

Maintenant

gardez de l’appétit pour de l’herbeherbeherbe…

Layli Long Soldier, 2017, Whereas10

Dans « 38 », son poème sur les trente-huit hommes dakotas pendus en 1862 pour avoir résisté au génocide provoqué par la famine et le non-respect par le gouvernement américain des traités conclus avec la Nation Dakota, la poétesse oglala lakota Layli Long Soldier rassemble l’art, l’histoire, la mémoire, l’esthétique, la résistance et la renaissance des peuples autochtones. La chevauchée annuelle commémorant les trente-huit hommes pendus pour leur rôle dans le soulèvement des Sioux, écrit-elle, « n’est pas un objet gravé avec des mots, mais un acte11 ». Lorsque je contemple les œuvres de Florence Ryder (cat. 48 et 49) et des artistes de la Sioux Handicraft Cooperative (cat. 7, 15, 16, 17, 24, 33, 54, 60 et 61), je veux penser à la création artistique comme à un acte de commémoration, un acte qui ne relègue pas la culture autochtone dans le passé, mais qui insiste au contraire sur le fait qu’elle constitue une force constante dans le présent. Cette création artistique est un acte de résistance qui adapte les pratiques coloniales artisanales en y intégrant le savoir traditionnel. En confectionnant son tapis, l’artiste donne vie à ce savoir, comme un conteur donne vie aux mots par la parole. Cela revient à dire que ces pièces ne sont pas des artefacts. Décrivant le soulèvement des Sioux, Long Soldier écrit que « les “ vrais ” poèmes n’ont pas “ vraiment ” besoin de mots12 ». Si je considère ces tapis comme des actes plutôt que comme des objets, je peux alors les appréhender non seulement comme des témoignages de l’art décoratif sioux et du savoir traditionnel qui lui est associé, mais je peux aussi concevoir le travail qu’ils ont exigé comme une pratique en pleine renaissance. Dans la mesure où le tapis témoigne de sa propre fabrication, il devient, comme le souligne Long Soldier, « un acte ». Il s’agit d’une géométrie différente qui parle de plénitude, et non de vide, et dont les lignes sont des chemins écrits par la terre elle-même.

Le fil

Même un tissu tissé serré comporte de l’espace. La rédaction conventionnelle d’un essai exige une introduction, un développement et une conclusion. Mais, à l’instar de l’entrelacement évoqué dans le titre de l’exposition, les œuvres de Prairies entrelacées refusent la ligne droite, insistant plutôt sur la multiplicité, l’ambiguïté, le report et la mobilité. S’il existe un point commun ici, c’est peut-être l’invitation qui est lancée au spectateur de reconsidérer non seulement l’œuvre d’art et ses paramètres, mais aussi la manière dont les modes de représentation permettent de créer des récits particuliers de lieux et d’identités. Ces récits incluent les formes créées par les êtres humains dans le paysage des Prairies lui-même, alors que les artistes travaillent contre la grille coloniale et à travers elle pour évoquer la profondeur et la dimension. La matérialité d’un textile peut susciter une reconnaissance de la manière dont les corps s’impriment sur le lieu et sont eux-mêmes marqués par des forces sociales et historiques. Le refus de ces œuvres de se laisser facilement réduire à un simple et unique résumé témoigne à la fois de leur complexité et de leur puissance.

Description longue

Caliopsis (coréopsis)

Neuf variétés de jaune sous la rubrique

Alun + étain

Alun + ammoniaque

Alun + vinaigre

Alun

Alun + bicarbonate de soude

Sans mordant

Chrome

Alun + bouilloire en aluminium

Vergerette

Deux variétés de jaune sous la rubrique

Sans mordant

Chrome ajouté

Umbilicaria (Lichen nordique)

Quatre variétés de rouge sous la rubrique

3e bain

3e Batt + vinaigre

>Différents stades

Bouleau (écorce extérieure des grumes)

Une nuance de jaune sous la rubrique

Étain

Ortie

Quatre variétés de vert sous la rubrique

Pierre bleue

Alun + chrome

Alun + pierre bleue + fer

Alun + pierre bleue

Cosmos

Deux variétés de jaune sous la rubrique

Alun + étain

Chrome

Racines de rhubarbe

Échantillon de laine marron

Pierre bleue + rinçage à l’ammoniaque

Saule de Wolf

Échantillon de laine verte

Pierre bleue

Saule ro(illisible)

Échantillon de laine marron

Alun 2e (illisible)

Verge d’or

Échantillon de laine jaune

Alun

Topinambour

Échantillon de laine marron

Alun + bleu (illisible)

Indigo

Quatre variétés de bleu sous la rubrique

>Urine

Bain d’indigo sur jaune

Cerises de Virginie

Deux variétés de jaune-or sous la rubrique

Fermenté + Alun

+ chrome + acide tannique

Castilléjie à fleurs sessiles

Échantillon de laine écrue

Borax + soude

Feuilles de chêne (séchées)

Deux sortes de marron clair

Sans mordant

(laines différentes)

Amélanchiers à feuilles d’aulne

Échantillon de laine marron clair

Alun (pot en aluminium)

Pastel

Échantillon de laine bleu-vert

Urine (fermentée)

Pin (aiguilles + branches)

Échantillon de laine dorée

Lichen terricole

Deux échantillons de laine marron

Superposés entre des toiles à fromage

Kate Waterhouse

Craik — Saskatchewan

Notes

  1. 1 Tim Lilburn, « How to Be Here? », dans Alison Calder (dir.), Desire Never Leaves, Waterloo, Ont., Wilfrid Laurier University Press, 2007, p. 20.
  2. 2 Karina Vernon, dir., The Black Prairie Archives, Waterloo, Ont., Wilfrid Laurier University Press, 2020.
  3. 3 Henry Kreisel, « The Prairie : A State of Mind », dans Eli Mandel (dir.), Contexts of Canadian Criticism, Toronto, University of Toronto Press, 1971, p. 254-266.
  4. 4 Martha Ostenso, Wild Geese, Toronto, McClelland & Stewart, 2008, 1ère publication en 1925.
  5. 5 Lorna Crozier, « News Flash From the Fashion Magazines », dans The Blue Hour of the Day : Selected Poems, Toronto, McClelland & Stewart, 2009, p. 66.
  6. 6 di brandt, questions i asked my mother, Winnipeg, Turnstone, 2015; Miriam Toews, A Complicated Kindness, Toronto, Knopf, 2004.
  7. 7 Wallace Stegner, Wolf Willow : A History, a Story, and a Memory of the Last Prairie Frontier, Toronto, Penguin, 2000, p. 7, 1ère publication en 1962.
  8. 8 Laurence Ricou, Vertical Man/Horizontal World, Vancouver, University British Columbia Press, 1973.
  9. 9 Kristjana Gunnars, The Prowler, Red Deer, Alb., Red Deer Press, 1992; Aritha van Herk, Places Far From Ellesmere, Red Deer, Alb., Red Deer Press, 2003.
  10. 10 Layli Long Soldier, Whereas, Minneapolis, Graywolf Press, 2017, p. 5.
  11. 11 Long Soldier, Whereas, 53 (les italiques sont dans l’original).
  12. 12 Long Soldier, Whereas, 53 (les italiques sont dans l’original).

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