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L’Alberta autophage : identités, mythes et discours du pétroledans l’Ouest canadien: Épilogue

L’Alberta autophage : identités, mythes et discours du pétroledans l’Ouest canadien
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table of contents
  1. Remerciements
  2. Introduction
  3. Chapitre 1
  4. Chapitre 2
  5. Chapitre 3
  6. Chapitre 4
  7. Chapitre 5
  8. Chapitre 6
  9. Chapitre 7
  10. Conclusion
  11. Épilogue
  12. Bibliographie
  13. Notes

Épilogue : le baril et le bas de laine

Regarde de tous tes yeux,

Regarde!

—Jules Verne, Michel Strogoff

Cachez ce sein que je ne saurais voir !

—Molière, Tartuffe

À une vingtaine de kilomètres du centre-ville de Calgary, dans la direction est, au-delà même de la banlieue d’une ville déjà connue pour son fort étalement urbain, se dresse en plein milieu de la prairie, un énorme centre commercial. De cet endroit absolument sans relief, qui annonce déjà les paysages de la Saskatchewan, la cité n’est plus visible. On est en plein pays des ranches et des acreages, marqués par des fermes isolées et des puits de pétroles solitaires au balancier immuable que l’on appelle ici les iron donkeys, littéralement les « ânes de fer » qui sans broncher, depuis toujours pompent silencieusement le pétrole léger de la plaine. Ils peuvent être immobilisés si les cours du pétrole baissent trop, mais en général, ils ne s’arrêtent que quand le puits est épuisé, à une période indéterminée qui peut s’étendre sur plusieurs décennies. De l’autre coté de l’autoroute neuve que l’on a construite spécialement pour faciliter l’accès au centre commercial, lui-même entouré de champs de blé et de colza, quelques vaches et chevaux considèrent pensivement cet étalage massif, coloré et rutilant d’immeubles neufs en enfilade, encerclé comme il se doit par un énorme terrain de stationnement faisant une concurrence sérieuse aux vastes pâturages environnants.

CrossIron Mills, c’est le nom de ce centre commercial, fut inauguré en grande fanfare en septembre 2009. Fruit d’un investissement de 500 millions de dollars, il est d’une superficie de 1,4 millions de pieds carrés et constitue le premier centre d’achat en circulation intérieure ouvert en Alberta depuis les vingt dernières années. Son éloignement du centre-ville, voire de la ville même, nécessite le recours à des autobus spéciaux pour ses employés, aucun circuit de transport communautaire ne se rendant jusqu’à ce point de la campagne. En fait, plutôt que d’être une version postmoderne du Bonheur des Dames de Zola, CrossIron Mills pourrait s’apparenter davantage à un Fort McMurray du shopping : il n’est accessible qu’au prix d’une forte dépense d’hydrocarbures et d’eau, acheminée en cet endroit particulièrement sec à grand renfort de pipelines venant de la rivière Bow. Et cela, au gré d’ailleurs de certains louvoiements avec les lois municipales d’usage des réserves aquifères du district régional de Rocky View, petites manipulations qui firent les bonnes pages de la presse locale d’il y a quelques années.

Ce monument à la consommation et à ce qu’on nommera pudiquement « la croissance » n’est pas exactement une ontologie surgie sans raison de la terre noire albertaine. CrossIron Mills a un propriétaire et un investisseur : Ivanhoé Cambridge. Pour les initiés, Ivanhoé Cambridge est l’une des compagnies subsidiaires de La Caisse de Dépôt et de Placement du Québec. Vous avez bien lu. Qui plus est, Ivanhoé Cambridge est également propriétaire de trois autres centres commerciaux à Calgary et de trois à Edmonton (pour l’instant), tous établissements qui ressortent également du mastodonte.

The Caisse, comme on la nomme par ici, ne s’est pas contentée de s’étendre en banlieue calgarienne. Ivanhoé Cambridge possède les immeubles suivants, situé dans le quartier des affaires de la ville : Dome Tower, Home Dome Tower, TD Square, Lancaster Building et Eaton Center. La subsidiaire fait en ce moment construire un double gratte-ciel au coin de la cinquième et huitième rue de ce même quartier : chaque tour stylisée aura respectivement 49 et 39 étages. Élégantes, brillantes comme des miroirs d’acier poli et repoli, se reflétant l’une l’autre, érigées sur l’emplacement immobilier commercial le plus sélect de la cité, ces tours ne rappellent pas exactement la maison de Maria Chapdelaine. Qui connaît bien ce carré spécifique où s’entassent les banques, les bureaux corporatifs des compagnies pétrolières, les grandes firmes d’avocats et les boutiques de luxe doit conclure que La Caisse de Dépôt est de facto propriétaire d’une somptueuse partie du centre-ville de Calgary. Ajoutons à cela que toute société d’investissement dans l’immobilier commercial a des déposants. Parmi les plus notables déposants de la Caisse, il faut mentionner Le Régime des rentes du Québec (RRQ), Le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP), Canada Master Trust, L’Association de bienfaisance et de retraite des policiers et policières de la Ville de Montréal, le Fonds commun de placement de retraite de l’Université Laval (tiens, notre Alma Mater), la Fiducie globale des régimes de retraites de la Société de transport de Montréal, et bien d’autres fonds de retraite que nous ne saurions tous énumérer ici. Force est ainsi de conclure que tous ces groupes financiers et caisses de retraites diverses, ont indéniablement leur « bas de laine », comme on surnomme la Caisse au Québec, qui trempe, à des degrés variables, indirectement, ou peut-être directement, dans le pétrole albertain.

Car point n’est besoin de détenir une maîtrise en administration des affaires pour comprendre ces stratégies d’investissements immobiliers importants de la Caisse en Alberta : Ivanhoé Cambridge en ouvrant boutique à Calgary, a misé sur le potentiel pouvoir d’achat des Albertains, conséquence directe du boom pétrolier de 2005–08 de même que sur le potentiel de location d’immobilier corporatif lié à l’afflux des gens d’affaires diverses qu’attire toujours le bonheur pétrolier lorsqu’il est à son zénith. Il est vrai qu’au moment où sont écrites ces lignes ce même cours est plutôt bas, mais malgré les circonstances que nous avons décrites au dernier chapitre, rien n’empêche d’envisager des jours meilleurs. La Caisse, sur laquelle il a beaucoup plu et qui connut dans son histoire quelques tribulations, sait bien que l’industrie pétrolière est soumise à de forts mouvements de pendules. Tous les facteurs que nous avons énoncés plus haut concernant la baisse des prix n’excluent pas nécessairement un autre retournement qui ramènerait les cours à la hausse, car, répétons-le, l’économie du pétrole est l’économie de l’aléatoire.

Du reste, la Caisse n’est pas la seule présence financière québécoise à s’activer en Alberta. SNC-Lavalin, dont l’ancêtre fut le maître d’œuvre de Manicouagan 5, et dont le centre corporatif est toujours à Montréal, y a construit les lignes de rallongement du métro de Calgary et est responsable de maints projets dans les sables bitumineux. La petite Caisse Pop de notre enfance, rebaptisée Desjardins Securities a sept pignons sur rue à Calgary, et deux à Edmonton. Nous pensons pouvoir suggérer que Desjardins, comme la Caisse, ne sont pas à Calgary uniquement pour admirer la superbe vue sur les Rocheuses, mais ont plutôt estimé qu’il fallait miser sur l’Alberta et son pétrole autrement tant décrié par le discours social québécois et également international lorsqu’il est associé aux questions environnementales et à celles du respect des droits et de la santé des Premières Nations.

Mais souvent, face à certaines réalités économiques, énergétiques et environnementales, et aussi politiques, géographiques, sociales et historiques, qu’il faut prendre la peine d’articuler les unes aux autres, on préfère laisser tous ces détails déplaisants dans ce que Marc Angenot a désigné comme l’impensé du discours. Cet impensé, il conviendrait pourtant de le remonter un peu à la surface en rappelant les mécanismes singuliers mettant en contact étroit des entités que l’on préfère imaginer sans proximité aucune, c’est-à-dire le Québec et le pétrole albertain.

Notre étude doit ainsi se terminer sur quelques considérations plus sobres, et sans doute plus critiques sur les emboîtements spécifiques qu’il faut mettre à jour lorsqu’on doit se pencher sur cette contigüité entre la société québécoise et une source d’énergie absolument honnie dans le discours social officiel. Ainsi, on a vu qu’un des arguments-fétiches auquel a recours l’industrie pétrolière et le gouvernement albertain, lorsqu’on soulève la question des dommages environnementaux irréversibles subis dans la région de l’Athabasca, reste que les exploitations pétrolières de l’Alberta permettent des apports fiscaux notables au gouvernement fédéral. Ce dernier les redistribue aux autres provinces sous la forme des paiements de péréquations dont les Albertains jugent avec ressentiment que les Québécois en particulier reçoivent plus que leur juste part. Considérée d’une perspective québécoise, cette affirmation est perçue comme discutable, et nous laisserons aux fiscalistes et aux politiciens de tous camps le soin d’en batailler ad nauseam. Nous dirons seulement que si cet argument a peu d’acceptabilité au Québec, il ne peut être cependant totalement rejeté du revers de la main, du moins en ce qui concerne les bénéfices fiscaux qu’Ottawa retire indéniablement du pétrole de l’Ouest.

Cependant, il y aurait un autre élément à soulever dans ce débat acrimonieux, mais qui est d’une nature telle qu’il entraînerait la polémique sur un terrain éminemment dangereux pour toutes les parties incriminées, ce qui en fait l’objet d’un tabou discursif à peu près inviolable : à savoir la question de l’identité des actionnaires et des investisseurs dans une entrerprise donnée, même et surtout si ses activités sont de nature contestable. Le lecteur doit bien conclure ici que ce tabou reste la question délicate des investissements québécois qui dépendent directement ou indirectement de l’industrie pétrolière albertaine, et conséquemment de l’exploitation et de la destruction subséquente du territoire albertain. Or, ce tabou, personne n’a intérêt à y faire allusion, ni les Québécois, préfèrant vaguement croire au principe de l’Immaculée Conception en ce qui a trait aux revenus des fonds de pension, ni les hommes d’affaires et le gouvernement albertain qui ne sont pas assez fous pour aller exposer et dénoncer leurs investisseurs et leurs actionnaires.

N’en déplaise aux environnementalistes, leurs discours sont justement des discours au sujet desquels Pierre Bourdieu nous signalerait la nature du positionnement social spécifique assurant leur rôle sur le marché discursif. Et, en tant que discours, on doit pouvoir intellectuellement, froidement et indifféremment les disséquer par l’analyse, ce qui n’empêche nullement qu’on puisse y adhérer par la suite. Là n’est d’ailleurs pas la question. Mais le concert de condamnation de l’Alberta et de son industrie poussés par les environnementalistes canadiens et québécois, européens et américains, laissent de côté justement dans l’impensé une donnée, une vérité presque—qu’Al Gore à son tour jugerait bien « inconvéniente »—c’est-à-dire les lois actuelles des marchés financiers auxquelles nous nous permettons de croire que le Québec n’a pas encore consenti à se soustraire. Citons encore Jean Peyrelevade :

La froide analyse des mécanismes du pouvoir est plus utile que l’émotion. Où commence l’injustice, à quel moment devient-elle intolérable ? La question est sans réponse autre que morale. Plus efficace est de décrire l’articulation des forces qui gouvernent l’économie mondiale : le pouvoir des actionnaires est, en tant que tel, invulnérable. On ne s’en débarrassera pas comme de quelques plants de maïs génétiquement modifiés1.

La question qui doit être soulevée par le poids décisionnel des actionnaires, selon Peyrelevade, est celle précisément de l’identité de ces actionnaires. Et si l’on considère que la Caisse de Dépôt et d’investissement du Québec demeure toujours le second plus grand gestionnaire de fonds d’investissements au Canada, il faut bien reconnaître, que quelque part, à certaines occasions, les actionnaires de certaines trusts d’investissements privés, c’est, à l’instar d’Hydro-Québec, nous autres. Ajoutons à cette donnée, le fait bien connu que le Québec vieillit plus rapidement et plus massivement que le Canada, en raison de multiples facteurs que les études démographiques ont amplement commentés. Citons également le site Web de la Caisse : « La Caisse a pour mission de recevoir des sommes en dépôt conformément à la loi et de les gérer en recherchant le rendement optimal de ses déposants dans le respect de leur politique de placement tout en contribuant au développement économique du Québec. » (nous soulignons). La Caisse n’est pas exactement non plus une institution caritative ou un organisme à but non lucratif. D’autant plus que, depuis disons l’an 2000, répétons qu’une cohorte chaque année plus importante de citoyens et de citoyennes du Québec et du Canada accède à une retraite souvent longuement convoitée et préparée, phénomène qui est en passe de devenir par ailleurs une thématique centrale du discours social contemporain, et qui devrait être étudié comme telle. Mais en attendant, lorsque ce nombre de retraités québécois et canadiens enfin prêts à mordre à leur vie rêvée (et fort probablement utopique) aura atteint les 25 %, il ne fera pas beau d’apprendre que tous les gestionnaires de fonds mutuels des provinces et des territoires, CPP, RRQ, Ontario Teacher’s Pension Plan, Aimco et La Caisse (pour n’en nommer que quelques uns) n’auront pas réalisé leur mandat. Mais d’ici là, on ne peut pas dire qu’ils n’essaient pas de le remplir, et que même, aux dires de certains, ils pourraient faire mieux.

On pourrait suggérer alors que les sables bitumineux de l’Athabasca, ou du moins, un petit bout, c’est aussi à nous autres. Mais, probablement, du point de vue de la représentation environnementale, il est préférable de laisser ces détails aux entrefilets des chroniques économiques où ils sont en sécurité. Ainsi peut se deployer une forme singulière, pour paraphraser Bourdieu, de libido virtutis exprimée dans le discours environnementaliste, québécois et d’autre provenances, qui s’emploie au décri collectif de l’Alberta et de son industrie pétrolière. La libido virtutis, c’est le désir ostensible de la vertu, de se montrer vertueux, immaculé, désintéressé des basses extractions et des besognes ignobles, en clamant sa dissociation de l’objet salissant, du monstre souillé, et plus précisément encore d’éliminer tout soupçon de profit direct en rapport avec la source abhorrée. Mais comme nous le rappelle également Bourdieu dans Raisons pratiques, « La morale politique ne peut pas tomber du ciel : elle n’est pas inscrite dans la nature humaine2. » C’est-à-dire ici qu’il faut peut-être subodorer que la morale environnementale doit se voir comme une posture de désintéressement servie aux citoyens et électeurs afin d’éliminer même le soupçon gênant que l’on pourrait retirer quelque chose du pétrole albertain, laquelle donnée n’est pas vraiment ignorée, mais plutôt impensée. Ce qui sera reçu comme un rejet moralement justifié exprime davantage la mise en œuvre de la fonction réhabilitante de l’environnementalisme comme déplacement des enjeux et aussi comme auto-illusion générale.

En économie, cette distance bien-pensante pourrait se nommer l’externalisation où les détails structuraux et les dommages systémiques qui permettent les profits d’investissements sont délibérément laissés au lieu de fabrication de ces profits. Cette posture, qui confère d’autre part à ce lieu une autonomie certaine dans ses pratiques de production, favorise de surcroît sa perception comme étrangéité absolue de la part de ceux qui la critiquent. Les métaphores qu’autorise l’exercice de la libido virtutis québécoise conduisent à aisément voir jusqu’où les investissements discrets faits au nom des compagnies subsidiaires de la Caisse servent de voile pudique aux sources concrètes d’une certaine partie de nos revenus de retraite, ce voile ne jouant pas exclusivement, on l’imagine, pour ce qui a trait à l’Alberta et son industrie pétrolière, qui n’est en somme qu’un point d’investissement parmi d’autres.

En fait, une petite recherche sur les lieux planétaires où s’effectuent les investissements des fonds de retraite nous conduirait à des trouvailles fâcheuses qui devraient nous inviter à méditer avec un peu plus de nuances sur la nature paradoxale de nos rapports avec la croissance si décriée, effectivement créatrice de gaz à effet de serre et génératrice de pollution et de graves dommages environnementaux, quand ce ne sont pas des atteintes aux droits humains. À partir d’un certain point, on peut se demander si le discours environnementaliste, tel qu’il est véhiculé dans l’hémisphère Nord de la planète, n’a pas une fonction plus thérapeutique qu’autre chose, en ce qu’il permet, en endossant à peu de frais une identité verte, de nous déculpabiliser aisément, de déplacer, très littéralement de changer de place, les véritables enjeux environnementaux liés non seulement aux enjeux énergétiques, mais surtout aux enjeux économiques. On peut alors passer vite sur ces derniers, parce qu’on préfère ne pas trop s’approfondir sur les conditions structurales (en particulier socio-économiques) structurant justement cet autre lieu privilégié d’où l’on peut condamner de haut les destructions qui nous nourrissent.

Il ne fait point bon cependant se faire accuser d’hypocrisie, ce qui en soi, n’est pas un crime si grave, la casuistique étant une saine pratique, particulièrement lorsqu’il est question d’environnement et d’économie. De fait il serait intéressant de comparer les revenus que tire le gouvernement d’Hydro-Québec à ceux que La Caisse tire vraisemblablement de l’activité économique albertaine, c’est-à-dire de son pétrole. Nous avancerons l’hypothèse, qui reste à vérifier par des actuaires et des économistes, qu’à partir d’un certain volume d’investissements, dont les administrateurs de la Caisse doivent avoir une plus nette idée que l’auteure de ces lignes, que compte tenu des déprédations environnementales (qui effectivement dévaluent le territoire albertain de façon irréversible et dramatique), compte tenu de l’inflation et du coup de la vie élevé en Alberta accaparant un plus fort pourcentage des revenus des ménages, compte tenu des frais de scolarité plus élevés au post-secondaire, compte tenu des filets de sécurité sociales de toutes formes qui y sont plus minces, il serait possible que le Québécois moyen, contribuant au Régime des rentes du Québec et en bénéficiant, en sus de son propre fonds de pension, reçoive plus d’avantages net de l’exploitation des sables bitumineux que le citoyen albertain moyen. À la considération de l’autophagie qui caractérise maintenant le mode d’exploitation des ressources naturelles de l’Alberta devrait s’ajouter celle de la cannibalisation externe, pas seulement de la part du Québec, bien entendu, mais de tout le reste du Canada. Les Albertains en ont le sentiment de plus en plus défini et impuissant, impression sourde qui s’exprime par un ressentiment confus, mais inavouable, envers le reste de la Confédération, toutes provinces confondues. Personne n’aime reconnaître que sous des apparences enviables, il se fait en réalité duper d’une façon qui nous paraît de plus en plus poignante.

Pour l’instant, dans le discours social québécois, les sables bitumineux albertains fonctionnent à la fois comme une dématérialisation et une externalité d’une petite partie (du moins) de l’avenir économique du Québec et de sa sécurité sociale. Et cela, que le Québec reste ou non dans la Confédération, car, une fois encore, insistons sur ce que souveraineté et économie sont indifférentes l’une à l’autre. Sachant cela, serions-nous capables de ne plus nous dissimuler derrière cet écran impeccable qu’est Hydro-Québec qui nous permet de nous présenter au monde comme étant « propre, propre, propre » et de moduler nos accusations envers l’Autre, cette altérité irréductible, cet Albertain, à qui, sans vouloir le savoir, nous avons assez souvent servi de modèle.

University of Calgary

Avril 2013

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L'Alberta Autophage
© 2013 Dominique Perron
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